Une telle possibilité est présentée à tort sur les réseaux sociaux avec une fausse offre d’emploi destinée aux habitants de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La procédure de naturalisation dans les pays européens ainsi qu’au Royaume-Uni est longue, complexe et assortie de nombreux critères. Le fait de combattre en Ukraine ne figure pas parmi eux, selon des experts interrogés par l’AFP.
« Participer à la contre-offensive ukrainienne » en échange d’une « garantie » de « citoyenneté accélérée au Royaume-Uni et dans l’UE » ? C’est ce qu’affirme une offre d’emploi intitulée « technicien de maintenance militaire » publiée le 12 mai 2023 sur un site de recherche d’emploi britannique et partagée de nombreuses fois sur les réseaux sociaux depuis (1, 2).
Promettant un salaire de 20.000 livres, l’offre explique que le contrat est rattaché au « programme de citoyenneté de l’Union européenne« . Le nom d’un contact et une adresse mail sont fournies pour les potentiels postulants.
Mais cette annonce est fausse : combattre en Ukraine -qui n’est d’ailleurs pas membre de l’Union européenne- ne permet pas de devenir plus facilement citoyen européen ou britannique.
Il n’existe pas de « programme de citoyenneté de l’Union européenne«
Contactée par l’AFP le 23 mai 2023, la Commission européenne (archive) explique qu’il n’existe pas de « programme de citoyenneté de l’Union européenne« .
Il existe un programme appelé « Citoyens, égalité, droits et valeurs« (archive). Il s’agit d’un programme « intra États-membres visant à protéger et à promouvoir les droits et les valeurs consacrés par les traités de l’UE et la charte des droits fondamentaux, notamment en soutenant les organisations de la société civile actives aux niveaux local, régional, national et transnational ».
La Commission précise que ce programme « n’a rien à voir avec l’obtention de nationalité« . Il n’est fait aucune mention d’accélération de l’obtention d’une citoyenneté européenne dans les documents annexes à la présentation du programme (1,2, 3, 4, archivés ici : 1, 2, 3, 4).
De plus, comme nous allons le voir, c’est le fait d’être ressortissant d’un pays de l’UE qui fait que l’on est un citoyen européen. On ne peut pas être un citoyen européen sans avoir la nationalité d’un pays membre.
La nationalité est une compétence étatique
La Commission européenne, qui est gardienne des traités, explique que « toute personne ayant la nationalité d’un pays de l’Union est automatiquement un citoyen de l’Union européenne. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas », une règle rappelée par l’article 20 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (archive).
La Commission rappelle qu’un système qui accélèrerait l’obtention de la citoyenneté européenne « ne peut exister » car « le droit ne prévoit pas les choses dans cet ordre« .
Le site français d’information Viepublique.fr (archive) explique que la nationalité est « attribuée exclusivement par l’État membre. » Ainsi, ce sont les Etats qui choisissent les règles d’obtention de la nationalité de leur pays, et leurs autorités compétentes qui décident de donner ou non la nationalité à une personne.
Myriam Benlolo-Carabot (archive), professeure de droit public et européen à l’université de Nanterre, n’écarte pas la possibilité que certains Etats puissent prévoir « comme une ‘récompense’ l’octroi de la nationalité pour certains actes d’héroïsme […] » car cela relève de leur souveraineté nationale.
A l’image de la Russie, qui elle, a déjà pris des mesures pour faciliter l’obtention de la nationalité russe pour les personnes étrangères combattant dans ses rangs, l’AFP l’avait évoqué (archive) en septembre 2022. Les étrangers qui rejoignent l’armée russe pour une durée d’au moins un an peuvent par exemple demander la nationalité, sans avoir à justifier des cinq ans de résidence sur le territoire russe normalement requis.
« Pour qu’un national d’un Etat africain puisse être citoyen européen, il faut donc nécessairement qu’il obtienne la nationalité d’un Etat membre de [l’Union européenne]. Il n’y a aucun autre moyen. La nationalité d’un [Etat membre] est un préalable indispensable« , résume Myriam Benlolo-Carabot (archive).
Quant au Royaume-Uni, qui n’est plus un Etat membre de l’Union européenne depuis le 31 janvier 2020, il décide comme tout pays de sa législation pour obtenir la nationalité britannique. Le site du ministère (archive) de l’Intérieur, consulté par l’AFP le 23 mai 2023, en donne les contours. Par exemple, les personnes étrangères nées au Royaume-Uni ne doivent pas justifier des mêmes conditions selon leur année de naissance. Il n’est fait aucune mention d’une accélération de l’obtention en rejoignant l’armée ukrainienne.
Obtenir la nationalité d’un Etat membre de l’UE est un parcours long et souvent difficile. En France (archive) par exemple, le site du service public explique que les conditions sont différentes si la personne est née à l’étranger ou en France. Dans les deux cas, il faut avoir vécu en France pendant une certaine période.
Le fait d’avoir combattu en Ukraine ne fait pas partie des critères qui permettrait de devenir français plus facilement.
En France, il existe bien des conditions d’obtention exceptionnelle de la nationalité française pour les étrangers ayant combattu mais c’est l’armée française qu’il faut avoir rejointe et non une armée étrangère.
La personne « peut aussi acquérir la nationalité française, sur proposition du ministre de la Défense » et « [l’individu] peut être naturalisé s’il a été blessé en mission au cours d’un engagement opérationnel », explique le site du service public (archive), consulté le 24 mai 2023.
Les chiffres du ministère de l’Intérieur pour 2022 publiés (archive) début 2023 montrent que le nombre de naturalisations en France a reculé, avec 78.711 accès à la nationalité française contre 94.092 en 2021. Le niveau de 2022 approchant celui d’avant la pandémie (77.778 en 2018, 76.710 en 2019).
Berfin TOPAL
AFP France
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