L’UE a convenu d’une nouvelle loi sur la liberté des médias, visant à renforcer la transparence de la propriété des entreprises de médias et de la publicité institutionnelle, à mieux protéger les journalistes et leurs sources et à renforcer l’indépendance des médias publics.
Selon l’UE, ces questions sont devenues un problème majeur ces dernières années, tout particulièrement dans des pays comme la Hongrie et la Pologne, où l’État a une influence directe sur les médias. La nouvelle législation doit lui permettre de remédier à cette situation.
« L’accord obtenu […] témoigne de notre engagement visant à promouvoir des médias libres et pluralistes. Il y aura pour la première fois des mécanismes de protection dans le droit européen », a déclaré l’eurodéputée allemande Sabine Verheyen (PPE), qui a fait passer le texte au Parlement.
Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence, a déclaré que l’UE « ne régule pas les médias, mais l’espace pour les médias ».
Les éditeurs de journaux et de magazines allemands ont cependant maintenu leur position critique. L’Association fédérale des éditeurs de journaux allemands (BDZV) et l’Association des médias de la presse libre (MVFP) ont déclaré : « Alors que la presse est confrontée à des défis économiques, réglementaires et concurrentiels, l’UE impose un cadre contraignant qui, loin de répondre à ces problèmes, tend plutôt à menacer la liberté de la presse ».
L’utilisation de logiciels espions au cœur du débat
La principale pierre d’achoppement, qui a fait durer les négociations jusqu’aux dernières semaines de la présidence espagnole de l’UE, était une clause qui aurait assoupli l’interdiction d’espionner des journalistes ou leurs sources pour des raisons de « sécurité nationale ». Ce point a été rejeté par le Parlement européen.
A l’avenir, les États membres de l’UE devront garantir une protection efficace aux journalistes, En empêchant notamment leur espionnage. Cette protection pourra toutefois avoir des exceptions.
Plusieurs États membres avaient auparavant insisté pour obtenir des dérogations à l’interdiction de l’espionnage au nom de la sécurité nationale, suscitant ainsi de vives inquiétudes parmi les associations professionnelles et autres défenseurs de la liberté de la presse. Au final, le texte marque un compromis en évitant toute référence à la sécurité nationale, a déclaré l’eurodéputée roumaine Ramona Strugariu (Renew).
Après un intense « lobbying » des associations de presse et un conflit qui menaçait de faire échouer les négociations, la loi ne mentionne pas cette exception. au lieu de cela, elle la renvoie dans un considérant et mentionne de manière générale le « respect des responsabilités des États membres », selon des sources proches des négociations. Le Parlement européen a considéré cette rédaction comme une victoire.
Verheyen a déclaré que la surveillance, comme l’utilisation de logiciels espions dans les appareils des journalistes, n’était possible que pour les crimes graves et sur décision judiciaire. « Pas simplement pour tout ce qu’ils peuvent appeler la sécurité nationale », a-t-elle dit.
Une crise durable pour le paysage médiatique européen
La loi sur la liberté des médias prévoit également des mesures visant à protéger l’indépendance des médias de service public. Parmi ces mesures figure en particulier l’obligation de définir à l’avance par la loi les critères de nomination et de licenciement des cadres supérieurs, la durée de leur mandat et un financement suffisant pour leur permettre de remplir leur mission.
En Slovénie, par exemple, une loi de réforme des médias attendue depuis longtemps est actuellement en consultation publique. Parmi les principales nouveautés figure la transparence de la propriété, qui devrait également conduire à un plus grand pluralisme des médias. Dans une interview accordée à la télévision slovène, la ministre de la Culture Asta Vrečko a souligné que le projet de loi suivait à la fois la loi européenne sur la liberté des médias et la loi sur l’intelligence artificielle, qui étayeront la réglementation des médias à l’avenir.
Malgré les mesures de protection convenues, le paysage médiatique de plusieurs autres pays de l’UE a récemment connu des changements majeurs.
Le nouveau gouvernement polonais pro-UE a lancé mercredi une réforme des médias publics et licencié leur direction. Des députés de droite ont protesté contre les changements en organisant un sit-in et en interrompant les émissions publiques. Cette restructuration intervient une semaine après l’élection du Premier ministre Donald Tusk et après huit années de gouvernement du parti de droite Droit et Justice (PiS). Les médias publics sous le PiS ont été régulièrement accusés de diffuser des informations partisanes, de faire de la propagande gouvernementale et de lancer des attaques verbales contre l’opposition.
L’entreprise de médias suisse Ringier, qui possède le quotidien roumain Libertatea et la Gazeta Sporturilor (GSP), avait annoncé au début du mois qu’elle allait supprimer des postes chez Libertatea, justifiant cette décision par le fait que le journal se tourne de plus en plus vers les médias en ligne. Les journalistes des quotidiens concernés affirment avoir subi des pressions de la part de la direction pour qu’ils vérifient avant de les publier les articles sur les sociétés de paris en ligne – qui sont très puissantes dans les Balkans et constituent une source importante de revenus publicitaires.
Le président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés du Parlement roumain, Stefan Musoiu, a rappelé, dans un commentaire sur la loi européenne sur la liberté des médias, objet de l’accord, que la liberté d’expression et la liberté de la presse avaient été introduites en Roumanie lors de la révolution de 1989, au prix de grands sacrifices. Elle a permis au peuple de profiter des perspectives de plus en plus prometteuses au sein de l’UE et de l’OTAN.
Un accès plus important aux plateformes en ligne
La question de la modération des contenus journalistiques par les plateformes en ligne constitue un autre point important de la législation. Il devrait également y avoir des règles plus claires concernant les relations entre les entreprises de médias et les grandes plateformes en ligne comme Facebook, qui fait partie du groupe Meta, ou Google.
La Commission européenne a décidé d’ouvrir une procédure d’infraction contre la plateforme de médias sociaux X et son propriétaire Elon Musk – une enquête sans précédent. C’est une première dans le cadre de la nouvelle loi sur les services numériques (DSA). Une enquête sera réalisée sur toutes les pratiques illégales dont le magnat pourrait être responsable, y compris la présentation trompeuse et les graves manquements à la transparence. En octobre, la Commission a averti X qu’il n’y avait pas de place en Europe pour les contenus illégaux et la désinformation dans les médias sociaux.
Lors d’une rencontre avec des représentants de Reporters sans frontières à Bruxelles en octobre, le Premier ministre bulgare Nikolay Denkov a déclaré que l’un des principaux problèmes en Bulgarie était la désinformation et non l’absence de liberté d’expression, étant donné que des progrès considérables ont été réalisés à cet égard au cours des dernières années. « En plus des changements dans les lois bulgares, la législation européenne peut beaucoup nous aider à cet égard », a ajouté Denkov.
Les services de l’UE vont maintenant rassembler des preuves, mener des entretiens et procéder à des vérifications avant de décider s’ils demandent à X de prendre de nouvelles mesures correctives ou s’ils cherchent la voie du compromis. Aucun délai fixe n’a été défini pour l’examen dans le cadre du DSA.
Enfin, la loi sur la liberté des médias adoptée prévoit également la création d’un nouveau Conseil européen des médias, composé de représentants des autorités nationales de régulation des 27 États membres de l’UE. Il sera chargé de créer un cadre plus strict pour les fusions dans ce secteur. Cet organe serait chargé d’émettre un avis non contraignant sur ces événements – en tenant compte de leur impact sur le pluralisme.
Le projet de loi européenne sur la liberté des médias deviendra une loi après son adoption formelle par le Parlement européen et les États membres. Les pays de l’UE peuvent introduire des règles nationales plus strictes ou plus détaillées que celles prévues par la loi.
Cette publication est hebdomadaire. Le contenu est basé sur des nouvelles des agences participantes au sein de la enr.