Lors d’une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles, : le chef de la diplomatie européene, Josep Borrell, s’est engagé à soutenir au nom de l’UE les requêtes des pays africains visant à obtenir davantage d’importance et de présence dans les discussions multilatérales.
« En ce qui concerne l’Afrique (…), nous avons parlé du continent comme d’une priorité géopolitique et de notre détermination absolue à renforcer notre dialogue et notre coopération », a déclaré le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. « Nous soutiendrons les aspirations de l’Afrique à obtenir une plus grande représentation dans les forums multilatéraux », a-t-il ajouté.
Depuis la guerre de la Russie contre l’Ukraine, l’Afrique est devenue un front diplomatique. Plusieurs pays du continent sont agressivement courtisés par la Russie, la Chine et l’Occident. La force mercenaire russe Wagner entretient une forte présence militaire en Afrique. Elle y a conclu des partenariats avec plusieurs États, dont le Mali et la République centrafricaine.
Les dernières troupes françaises se sont retirées du Niger en décembre 2023, dernier revers en date après plus d’une décennie d’opérations françaises contre le djihadisme dans la région du Sahel, en Afrique de l’Ouest. C’était la troisième fois en moins de 18 mois que les troupes françaises se retiraient d’un pays du Sahel, après la prise du pouvoir par les militaires dans les anciennes colonies du Mali puis du Burkina Faso. Ces trois pays luttent contre une insurrection djihadiste qui a éclaté en 2012 dans le Nord du Mali.
Selon Borrell, « nous devons repenser notre approche de l’Afrique afin de permettre une plus grande coopération et de comprendre que la stabilité des États africains fait partie de notre sécurité ». Il a précisé qu’il ne parlait pas seulement de la région du Sahel, qui traverse le continent comme une zone de transition entre le Sahara et les pays plus humides du Sud. Borrell a déclaré qu’il s’agissait aussi d’autres parties de l’Afrique, comme le Soudan, la Corne de l’Afrique comme grande région géopolitique d’Afrique de l’Est, et la Somalie.
L’Espagne, lien terrestre entre l’UE et l’Afrique
L’Espagne est le seul pays de l’UE à avoir une frontière terrestre avec l’Afrique via Ceuta et Melilla, deux villes espagnoles situées en Afrique du Nord et entourées par le territoire marocain. Pour l’Espagne, les relations avec le Maroc sont cruciales pour la stabilité de ces deux enclaves, mais aussi pour le contrôle des routes migratoires menant de l’Afrique subsaharienne à la péninsule ibérique et aux autres pays de l’UE.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a notamment évoqué le Sahel comme « zone prioritaire pour l’Espagne » et demandé que la « présence importante de l’UE » soit maintenue dans cette zone.
« Je demanderai que nous poursuivions notre soutien à la CEDEAO, une organisation régionale indispensable, et que nous maintenions notre aide humanitaire et notre soutien aux processus démocratiques de pays importants tels que la Mauritanie et le Sénégal, qui sont des partenaires stratégiques pour l’Europe et pour l’Espagne », a déclaré Albares. La CEDEAO est la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
Maintenir les relations économiques
La ministre allemande de la Coopération économique et du Développement, Svenja Schulze, rend visite ces jours-ci à des dirigeants politiques d’Afrique de l’Ouest. Son voyage intervient environ une semaine après que les juntes au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont retiré leurs pays de la CEDEAO. Le 26 juillet dernier, un coup d’État de l’armée a eu lieu au Niger, à la suite duquel la CEDEAO a imposé des sanctions et menacé de prendre des mesures militaires.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest est composée de 15 Etats membres (y compris le Niger, le Mali et le Burkina Faso), ce qui en fait l’une des plus grandes communautés économiques régionales du continent.
Avant son départ, Mme Schulze a déclaré que « le libre-échange et les voyages sans visa ont énormément facilité la vie et l’économie en Afrique de l’Ouest ». Elle a regretté la décision de ces trois pays mais a ajouté que « cette décision d’États souverains doit être respectée, même si elle entraîne de nombreux inconvénients économiques », ajoutant que l’intégration économique était un moteur essentiel du développement. Selon elle, la communauté internationale des donateurs est prête à continuer à soutenir l’Afrique de l’Ouest sur cette voie.
Face aux tensions avec la CEDEAO, le Mali, le Burkina Faso et le Niger se tournent de plus en plus vers la Russie.
Influence russe, énergie et migration en ligne de mire
« Nous devons nous demander dans quelle mesure nous pouvons aborder la coopération avec certains pays africains de manière plus pragmatique, car la réalité est qu’au cours des deux dernières années, des coups d’État militaires ont eu lieu dans plusieurs pays africains, que la Russie gagne en force dans ces pays, et que l’Europe clarifie ses positions », a déclaré le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavský, lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE.
L’Italie, qui préside cette année le groupe des pays du G7, a promis de faire du développement de l’Afrique une question centrale, notamment pour accroître son influence sur le continent, où des puissances comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Japon et la Turquie renforcent leur rayonnement politique.
Lors d’un sommet de chefs d’État et de gouvernement africains en Italie fin janvier, la Première ministre italienne Giorgia Meloni avait appelé à ouvrir une « nouvelle page » dans les relations avec le continent, axée sur l’énergie et la fin de l’immigration via la Méditerranée. Cette rencontre a eu lieu quelques mois seulement après que la Russie eut organisé son propre sommet avec des dirigeants africains. D’autres pays, dont la Chine et la France, ont pris des initiatives similaires.
Des représentants de plus de 25 pays ont participé au sommet organisé au Sénat italien, qui avait pour thème « Un pont pour une croissance commune ». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi que des représentants d’organisations des Nations unies et de la Banque mondiale, étaient également sur place.
Meloni souhaite faire de l’Italie une porte d’entrée pour l’énergie et profiter de la demande des pays européens qui veulent réduire leur dépendance au gaz russe après l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février 2022.
Le plan dit « Mattei » vise à positionner l’Italie comme un pont important entre l’Afrique et l’Europe. L’objectif est d’orienter l’énergie vers le Nord et d’échanger des investissements dans le Sud contre des accords visant à endiguer la migration. Le plan veut s’attaquer aux facteurs dits d’incitation (« push ») et convaincre les pays d’origine de signer des accords de retour pour les migrants qui n’obtiennent pas l’autorisation de séjourner en Italie.
Nouvelles demandes d’un engagement accru envers l’Afrique
La ministre slovène des Affaires étrangères, Tanja Fajon, a appelé à une coopération étroite avec l’Afrique, qui a accordé une grande confiance à la Slovénie lors du vote sur son statut de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. « Ce continent est confronté à des défis allant de la pauvreté au changement climatique en passant par l’augmentation des tensions, incluant la violence. Nous devons donc travailler avec le continent africain, qui est notre partenaire stratégique », a déclaré la ministre en amont de la réunion de Bruxelles.
La vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères bulgare Mariya Gabriel a déclaré que l’Afrique était un partenaire stratégique pour la Bulgarie. « Nous devons engager un dialogue avec les pays de ce continent. Je soutiens l’idée d’y donner plus de visibilité aux projets européens », a-t-elle déclaré. Gabriel a fait remarquer que des efforts supplémentaires étaient nécessaires à cet égard.
Début janvier, Mme Gabriel a rencontré son homologue égyptien, Sameh Choukri. Ils ont discuté de la coopération dans les domaines de l’innovation, des énergies renouvelables, de l’hydrogène, de la sécurité alimentaire, des transports et du tourisme. « L’Égypte est le premier pays arabe avec lequel la Bulgarie a établi des relations diplomatiques, et le plus grand partenaire économique et commercial de notre pays dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique. En 2026, nous célébrerons un anniversaire important : le centenaire de l’établissement de nos relations diplomatiques », a écrit Gabriel sur Facebook.
La Roumanie a récemment adopté sa première stratégie nationale pour l’Afrique, qui vise à relancer les relations avec le continent africain. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts communs déployés au niveau européen et dans le contexte plus large de la nécessité de revitaliser les relations entre l’UE et l’Afrique dans l’esprit d’un nouveau partenariat. En 2024, la Roumanie entend intensifier la coopération et poursuivre les programmes destinés aux partenaires africains, en mettant l’accent sur l’éducation et le transfert de savoir-faire.
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