L’Union européenne et ses 27 États membres se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. L’UE a désormais fixé un premier objectif intermédiaire pour 2030 : une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
Pour la prochaine étape (2040), la Commission européenne vise une réduction nette de 90 %. Cette annonce est survenue alors que de vastes manifestations d’agriculteurs éclipsaient la transition de l’UE vers un avenir plus vert. Les agriculteurs ont manifesté devant le bâtiment du Parlement européen pour protester contre la baisse des revenus, l’augmentation des coûts, et ce qu’ils considèrent comme des règles environnementales de plus en plus strictes.
Le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra, a déclaré que l’UE s’efforcerait d’assurer une « transition équitable » qui permettrait aux entreprises de prospérer et qui garantirait en outre que « personne ne soit laissé de côté ».
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rejeté mardi un plan visant à réduire de moitié d’ici la fin de la décennie l’emploi de pesticides chimiques, démontrant ainsi à quel point le thème de l’environnement est désormais politiquement explosif. Elle a admis que la proposition était devenue « un symbole de polarisation ». Selon elle, la législation s’est enlisée en raison de désaccords entre les législateurs de l’UE et les pays membres. Le mécontentement croissant pourrait entraver les efforts visant à faire adopter le plan 2040 d’une réduction de 90 % des émissions.
La Commission a déclaré que le nouvel objectif pourrait faire passer le nombre annuel de décès prématurés causés par la mauvaise qualité de l’air de 466 000 en 2015 à 196 000 (en 2040). Elle estime également que la proposition envoie des « signaux clairs » et que le marché des technologies propres devrait atteindre environ 600 milliards d’euros d’ici 2030.
Selon Bruxelles, l’UE consacre actuellement 4 % de son PIB à l’importation d’hydrocarbures et devra, entre 2030 et 2050, investir chaque année 1,5 % supplémentaire de son produit intérieur brut dans la transition énergétique. L’UE propose donc de libérer des ressources en les détournant « des utilisations moins durables, comme le subventionnement des combustibles fossiles ».
Cette proposition, qui alimentera le débat avant les élections, doit être adoptée par les États membres et le Parlement européen. Par rapport aux formulations précédentes, les objectifs ambitieux sont légèrement revus à la baisse et les références directes aux efforts à fournir par le secteur agricole sont supprimées.
Les partis de droite et opposés à l’establishment se sont approprié le mouvement des agriculteurs et devraient réaliser des scores importants lors des élections européennes de juin. Matteo Salvini, le chef du parti italien de droite et europhobe la Ligue, a profité des protestations des agriculteurs à travers l’Europe pour lancer une pique à l’UE. « Vive les agriculteurs dont les tracteurs obligent l’Europe à surmonter la folie imposée par les multinationales et la gauche », a-t-il déclaré.
Vents contraires
Certains secteurs industriels s’opposent de plus en plus à la politique climatique de l’UE, et plusieurs chefs d’État et de gouvernement demandent désormais une « pause » dans les nouvelles réglementations environnementales.
À l’initiative du Danemark, onze pays de l’UE, dont la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Slovénie, ont adressé une lettre commune à Bruxelles dans laquelle ils indiquaient que la transition vers un objectif « ambitieux » pour 2040 devait être « juste et équitable » et ne « laisser personne de côté, et surtout pas les citoyens les plus vulnérables ».
Pour les écologistes, les plans de la Commission manquent d’ambition
Selon les groupes de protection de l’environnement, l’ambition de la Commission est restée bien en deçà de ce qui aurait été nécessaire, par exemple en ne donnant pas de date cible pour la sortie des combustibles fossiles et la fin des subventions en rapport. « C’est à peu près aussi efficace qu’un objectif de prévention du cancer du poumon sans plan d’arrêt du tabagisme », a déclaré Silvia Pastorelli de Greenpeace.
Compte tenu des efforts de l’agence des Nations unies pour le climat visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, et « vu la responsabilité de l’UE dans les émissions historiques, il serait plus juste de viser des émissions nettes nulles d’ici 2040 », a déclaré le World Wildlife Fund (WWF).
Il est regrettable que la Commission ait abandonné l’objectif de réduire les émissions agricoles de 30 %, objectif qu’elle avait évoqué dans un document de travail précédent. Ces émissions représentent 11 % du total de celles de l’UE.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a déclaré que même si la Commission prend des gants avec les agriculteurs, les faits sont là : nos systèmes alimentaires et agricoles contribuent largement à l’impact climatique de l’UE.
Les agriculteurs bulgares protestent
Le gouvernement bulgare a négocié avec la Fédération bulgare des producteurs de céréales et, selon le Premier ministre Nikolaï Denkov, un consensus a déjà été trouvé avec les agriculteurs sur les principaux points. Cependant, après la réunion du 4 février, les agriculteurs ont commencé mardi à bloquer des routes dans tout le pays, affirmant être en désaccord sur certains points.
Les principales demandes des producteurs de céréales sont des modifications de la législation afin de garantir la sécurité économique du secteur, des efforts pour modifier les conditions du Green Deal européen, et une aide de 200 leva (environ 100 euros) par hectare pour atténuer les effets de la guerre en Ukraine. Les agriculteurs bulgares demandent à leur gouvernement de s’efforcer d’harmoniser les subventions et le soutien aux producteurs de céréales dans l’ensemble de l’UE. Ils exigent en outre des modifications et un assouplissement des règles du Green Deal de l’UE, qui imposent la rotation et la diversification des cultures ainsi qu’une minimisation de la part des terres arables destinées à des fins non productives.
Denkov a déclaré s’être mis d’accord avec la Commission européenne pour négocier un assouplissement des nouvelles exigences environnementales.
Le ministre danois du Climat, M. Aagaard, salue le nouvel objectif 2040 de l’UE
Le ministre danois du Climat, Lars Aagaard, a déclaré que l’annonce de la Commission arrivait à un moment où l’UE luttait pour le climat : « Nous voyons des manifestations dans les capitales européennes et des gouvernements qui réexaminent leurs ambitions à la baisse », a-t-il dit. Il a ajouté que cela se produisait dans des pays traditionnellement dotés de plans climatiques ambitieux. « Mais nous ne devons pas perdre cette bataille, et je suis donc heureux que la Commission suive la recommandation du Danemark de fixer un objectif ambitieux. »
Il a rejeté l’idée que l’annonce pourrait nuire à la crédibilité du nouvel objectif climatique, étant donné que le premier objectif climatique n’avait pas encore été fixé. « Créer la confiance dans le fait que la politique climatique se poursuivra après 2030 donnera de la crédibilité à l’objectif 2030 », a-t-il déclaré. Le nouvel objectif élevé arrive à un moment où plusieurs pays ont déjà du mal à atteindre le but de 2030 d’une réduction de 55 %. Le Danemark doit lui aussi encore montrer la voie vers une réduction importante des émissions de CO2.
La Slovénie et l’Italie saluent le retrait du règlement sur les pesticides par l’UE
Le ministre italien de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, a salué l’annonce d’Ursula von der Leyen du retrait de la proposition de règlement sur les pesticides. « Nous ne devrions continuer à restreindre les produits agrochimiques que si nous sommes en mesure de protéger la production avec des méthodes alternatives, a-t-il déclaré. Nous nous sommes opposés dès le début à une approche idéologique de la question [de la transition écologique], qui aurait eu des effets dévastateurs sur la production et un impact très limité sur l’environnement. » La Première ministre italienne Giorgia Meloni a qualifié ce retrait de « victoire aussi italienne ».
Suite à l’annonce de la présidente de la Commission, la Slovénie s’engagera également en faveur d’un traitement individuel de l’utilisation des pesticides, a déclaré la ministre de l’Agriculture nouvellement nommée, Mateja Čalušić. Elle a aussi souligné que les terres agricoles de Slovénie étaient fragmentées et qu’avant d’adopter un règlement, il fallait connaître les alternatives existantes de protection des cultures.
La Slovénie devra intensifier ses efforts pour se conformer à la recommandation de la Commission, a déclaré mardi le secrétaire d’État au ministère de l’Environnement, Uroš Vajgl. Il estime que le nouvel objectif pour 2040 est réalisable, mais qu’un débat devra avoir lieu sur la manière de l’atteindre.
Des représentants des agriculteurs slovènes ont rencontré mardi la ministre Čalušić, qui a apporté plusieurs solutions quant aux paiements directs. Elle a déclaré qu’elle soutiendrait la proposition de la Commission prévoyant qu’en 2024, les agriculteurs seraient exemptés de l’obligation de laisser certaines terres en friche tout en continuant à bénéficier d’un soutien financier.
Et maintenant ?
La Commission a souligné que l’objectif était de réduire d’ici 2040 les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 90 % par rapport à 1990. Il faut toutefois également garantir la compétitivité de l’industrie européenne et mener un dialogue stratégique avec l’industrie et les agriculteurs. L’objectif pour 2040 n’est pas une proposition de loi mais d’abord une recommandation.
En fin de compte, le nouvel objectif servira également de feuille de route pour la prochaine Commission et déterminera les investissements à long terme dans la course aux technologies vertes, à laquelle les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et d’autres pays industrialisés s’intéressent de près.
Pendant ce temps, les agriculteurs de toute l’Union poursuivent leurs protestations.
Vérification de faits : des informations erronées sur Internet à propos des plans climatiques
La protection du climat et la transition énergétique ne touchent pas seulement les agriculteurs, elles suscitent également un vaste débat public. En ligne, des informations trompeuses ou de véritables fake news créent un climat de défiance. Par exemple, la Commission européenne veut aussi de nouvelles règles pour le recyclage et l’exportation des voitures en fin de vie – en ligne, cette proposition s’est transformée en son contraire.
L’agence de presse allemande dpa a publié une série de vérifications de faits sur des sujets liés aux mesures de l’UE pour réduire les émissions de carbone. En voici un sur les véhicules hors d’usage : https://dpa-factchecking.com/germany/240205-99-881649/
Cette publication est hebdomadaire. Le contenu est basé sur des nouvelles des agences participantes au sein de la enr.