Chaque année, l’ensemble des activités économiques et des ménages de l’UE génèrent plus de deux milliards de tonnes de déchets. Cela représente 4,8 tonnes par habitant.
Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), le taux de recyclage global en 2020 s’élevait à 46 %. Ce chiffre comprend trois flux de déchets : les déchets municipaux, les emballages ainsi que les déchets électriques et électroniques. En 2021, 64 pour cent des déchets d’emballage, 49 pour cent des déchets municipaux et 39 pour cent des déchets dits électroniques ont été recyclés. Cependant, en 2021, la majorité étaient encore éliminés via des opérations de mise en décharge et d’incinération.
« Nous sommes encore loin de l’ambition de doubler le taux de circularité dans l’UE d’ici 2030 », a déclaré l’AEE, ajoutant qu’il y avait une « probabilité faible ou modérée » que les objectifs de l’UE soient « atteints dans les années à venir ».
Le plan de l’UE pour une économie circulaire vise à réduire la pression sur les ressources naturelles en doublant son taux d’utilisation de matériaux circulaires (CMUR) entre 2020 et 2030. Le CMUR reflète la quantité de déchets recyclés qui contribuent au total des matériaux utilisés dans l’économie.
Au cœur du problème, selon l’AEE, se trouvent les modèles commerciaux dans lesquels les produits ont une durée de vie très courte – voire ne sont pas du tout utilisés. Dans le même temps, avec un taux de circularité de 11,5 % en 2022, l’Europe utilise plus de matériaux recyclés que toute autre région du monde.
La législation de l’UE sur les déchets, qui comprend plus de 30 objectifs contraignants pour la période 2015-2030, est un moteur clé pour augmenter les niveaux de recyclage. En mars, l’Union a encore progressé dans la réglementation des déchets dans le but d’atteindre ses objectifs climatiques, visant à accroître le recyclage et la réduction des plastiques.
Le 25 mars, le Conseil de l’UE a adopté une révision du règlement sur les transferts de déchets. Cette réforme impose aux Etats-membres d’exporter moins de déchets vers les pays tiers et d’en recycler davantage eux-mêmes.
D’après la nouvelle règle, les déchets ne peuvent être exportés vers des pays extérieurs à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que si le pays de destination l’accepte explicitement et peut prouver que les déchets sont traités de manière respectueuse de l’environnement pour tenter d’atteindre les objectifs d’économie circulaire et de neutralité climatique.
Selon les chiffres de l’Office des statistiques Eurostat, l’UE a exporté plus de 32 millions de tonnes de déchets vers des pays tiers en 2022. Sur ce total, 39 pour cent sont allés vers la Turquie (12,4 millions de tonnes), suivie par l’Inde (3,5 millions de tonnes), le Royaume-Uni (2,0 millions de tonnes), la Suisse (1,6 million de tonnes) et la Norvège (1,6 million de tonnes).
Quels sont les développements récents dans l’UE ?
Le 13 mars, le Parlement européen a approuvé une proposition visant à réduire le gaspillage alimentaire et textile. Les législateurs européens ont approuvé la réduction de 40 pour cent du gaspillage alimentaire généré par les ménages, les détaillants et les restaurants d’ici 2030, tout en durcissant les règles sur les déchets textiles liés à la « fast-fashion ». Bruxelles estime que les 27 pays génèrent 60 millions de tonnes de déchets alimentaires par an, soit 131 kilogrammes par personne.
Le 4 mars, les négociateurs de l’UE se sont mis d’accord sur le règlement concernant les emballages et les déchets d’emballages (PPWR), visant à les réduire de cinq pour cent d’ici 2030, par rapport au volume de 2018. L’objectif est de faire baisser encore ce chiffre de dix pour cent en 2035 et de 15 pour cent d’ici 2040. Les plastiques à usage unique dans les cafés et restaurants seront interdits à partir de 2030.
Le texte est un élément clé des objectifs environnementaux de l’UE dans le cadre du Pacte Vert. « Ce règlement vise à réduire les déchets issus des emballages, les rendant plus durables, tout en garantissant les normes de gestion des déchets les plus élevées », a déclaré sur X le gouvernement belge, qui assure la présidence tournante de l’UE.
Pourtant, selon un nouveau rapport, l’OCDE prévoit que la quantité d’emballages en plastique triplera d’ici 2060. Certains environnementalistes affirment qu’un recyclage accru ne résoudra pas le problème à la base.
Le recyclage dans l’UE : des échanges de services ?
Alors que certains membres de l’UE s’efforcent de développer leurs capacités de recyclage, l’importation – ou l’exportation – de déchets constitue une part importante de l’économie d’autres pays.
Suède
En Suède, une immense usine de tri de haute technologie baptisée « Site Zéro » est opérationnelle depuis fin 2023, décrite comme « le site de recyclage de plastique la plus grande et la plus moderne au monde ».
Mattias Philipsson, PDG de Swedish Plastic Recycling, une organisation à but non lucratif appartenant à l’industrie du plastique, a déclaré que le site avait « la capacité de traiter l’équivalent de tous les déchets plastiques de Suède ».
En 2022, selon l’Agence suédoise de protection de l’environnement, seuls 35 % des déchets plastiques ont été recyclés, soit moins que la moyenne européenne de 40 %. L’incinération des déchets plastiques, qui sert à produire à la fois de la chaleur et de l’électricité, représente environ sept pour cent des émissions de gaz à effet de serre de la Suède.
Portugal
En 2021, selon les données officielles les plus récentes, 71 182 tonnes de déchets dangereux ont quitté le Portugal pour être valorisées et 1 385 tonnes pour être éliminées. Habituellement, ce type de déchets nécessite un traitement d’élimination spécial. 1 066 millions de tonnes de déchets non dangereux ont été exportées.
Selon les données de l’Agence portugaise de l’environnement, l’Espagne est le principal pays de destination, recevant 80 pour cent du total des déchets non dangereux, tandis que les incinérateurs belges ont reçu 90 pour cent des déchets dangereux. Concernant les exportations hors UE, le Portugal n’exporte que des déchets non dangereux vers le Maroc (597 tonnes à valoriser).
Le pays importe également des déchets : 264 874 tonnes de déchets dangereux ont été importées, la plupart étant destinées à être valorisées (244 959 tonnes) et éliminées (près de 20 000 tonnes). Le pays a également reçu 1,817 million de tonnes de déchets non dangereux.
Slovénie
Comme l’indique l’Agence slovène pour l’environnement, la Slovénie a généré en moyenne environ 135 000 tonnes de déchets dangereux par an entre 2012 et 2021, soit un à trois pour cent de tous ses déchets.
Au cours de cette période, le pays en a exporté 61 400 tonnes en moyenne par an pour traitement final/élimination, principalement vers l’UE et les pays des Balkans, tandis qu’il a en importé 34 200 tonnes en moyenne.
Roumanie
Selon les statistiques officielles, la Roumanie se classe actuellement au 26ème rang parmi les 27 États membres de l’UE en matière de recyclage, ses déchets municipaux recyclés ne représentant que 13 pour cent du total des déchets.
Grâce à la mise en place en novembre 2023 d’un système de garantie-retour (SGR) pour collecter les emballages de boissons, plus de 220 millions de ceux-ci ont été récupérés au cours des trois premiers mois. Actuellement, deux centres régionaux fonctionnent et cinq autres devraient ouvrir dans les trois prochains mois.
Bulgarie
L’importation de déchets destinés à être valorisés est extrêmement importante pour l’économie bulgare et en particulier pour l’industrie de transformation, selon le ministre de l’Environnement et de l’Eau, Julian Popov. Ces déchets étaient pour la plupart de nature non dangereuse et de haute qualité et valeur en tant que matières premières, a-t-il indiqué.
En 2021, la quantité de déchets ménagers générés en Bulgarie a diminué de 25 pour cent par rapport à 2010, selon le Rapport national sur l’état et la protection de l’environnement, mais elle est toujours en deçà de l’objectif de 51 pour cent de recyclage, selon les données de l’Agence exécutive pour l’environnement.
La Bulgarie continue de se rapprocher de ses objectifs de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. La proportion des matériaux recyclés utilisés dans l’économie du pays est montée à 4,90 pour cent, selon le rapport.
En novembre 2023, la Commission européenne a appelé plusieurs pays, dont la Bulgarie, à mettre correctement en œuvre les règles de l’UE en matière de traitement des déchets.
Des mannequins présentent les créations de la styliste française Maud Beneteau, entièrement réalisées à partir de plastique recyclé, lors d’un défilé de mode au Musée de Carthage à l’occasion du lancement de la marque haute couture « Outa ». (Photo : FETHI BELAID/AFP)
Déchets textiles : du plastique recyclé mais « pas de circularité »
Pour résoudre la quadrature du cercle du recyclage, les marques de mode utilisent du plastique recyclé, au grand dam de l’industrie agroalimentaire, qui finance la collecte des bouteilles plastiques en PET, polyéthylène téréphtalate, usagées.
« Soyons clairs : il ne s’agit pas de circularité », a dénoncé l’année dernière l’industrie des boissons dans une lettre ouverte au Parlement européen, évoquant la « tendance inquiétante » de l’industrie de la mode à « se prétendre respectueuse de l’environnement en raison de l’utilisation de matériaux recyclés ».
Moins d’un pour cent des textiles dans le monde sont actuellement recyclés, selon l’UE, avec 12,6 millions de tonnes de déchets textiles générés chaque année dans l’Union.
Une étude récente de l’AEE a montré que quatre à neuf pour cent des textiles introduits sur le marché européen finissent par être détruits sans avoir jamais été utilisés, ce qui entraîne 5,6 millions de tonnes d’émissions de CO2.
Selon les chiffres de l’AEE de 2019, près de la moitié de tous les déchets textiles collectés en Europe finissent sur les marchés d’occasion africains ou, plus souvent, ils sont déversés dans des « décharges à ciel ouvert ». 41 % des déchets textiles de l’UE sont destinés à l’Asie, principalement « vers des zones économiques dédiées où ils sont triés et transformés ».
Les ONG ont déclaré qu’une grande partie des déchets de vêtements européens envoyés en Asie sont dirigés vers des « zones franches d’exportation », qui, selon Paul Roeland de l’ONG Clean Clothes Campaign, sont « connues pour abriter des enclaves ‘anarchiques’, où même les faibles normes de travail du Pakistan et de l’Inde ne sont pas respectées. »
Plus de courant : la lutte contre les déchets électroniques manque d’énergie
Environ 62 millions de tonnes de gadgets anciens ou inutiles ont été jetés en 2022.
Le volume des déchets électroniques, qui comprennent les téléphones portables, les téléviseurs et les vapes, « augmente cinq fois plus vite que le recyclage déclaré », selon l’Union internationale des télécommunications (UIT) et l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), qui définissent les déchets électroniques comme tout produit mis au rebut comportant une prise ou une batterie.
Le montant enregistré en 2022 était de plus de 80 % supérieur à celui de 2010. « Des milliards de dollars de ressources stratégiquement précieuses ont été dilapidées, jetées. Le recyclage des déchets électroniques ne répond qu’à un pour cent de la demande en éléments de terres rares », ont-ils prévenu.
Gaspillage alimentaire : une « tragédie mondiale »
Les foyers du monde entier ont jeté un milliard de repas chaque jour en 2022, dans ce que le dernier rapport sur l’indice de gaspillage alimentaire des Nations Unies du 27 mars a qualifié de « tragédie mondiale » du gaspillage alimentaire. Plus de mille milliards de dollars de nourriture ont été jetés dans les poubelles par les ménages et les entreprises, alors que près de 800 millions de personnes souffraient de la faim.
Le rapport indique que plus d’un milliard de tonnes de nourriture – près d’un cinquième de tous les produits disponibles sur le marché – ont été gaspillées en 2022, la plupart par les particuliers.
« Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième plus grand émetteur d’émissions de gaz à effet de serre sur la planète derrière les États-Unis et la Chine », a déclaré Richard Swannell de l’organisation à but non lucratif WRAP, co-auteur du rapport avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement. (PNUE).
Ce rapport n’est que le deuxième sur le gaspillage alimentaire mondial compilé par l’ONU et il fournit le tableau le plus complet à ce jour.