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Plusieurs pays européens ont cessé de traiter les demandes d’asile des citoyens syriens pour tenir compte de la chute du régime de Bachar al-Assad, même si la situation reste incertaine et tendue.  

Les rebelles islamistes du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont lancé fin novembre une offensive contre les troupes gouvernementales. Le week-end dernier, le HTS et ses alliés ont envahi Damas, la capitale, mettant fin à plus de cinq décennies de règne brutal de la famille Assad. Bachar al-Assad était devenu président en 2000 après la mort de son père Hafez al-Assad, qui dirigeait la Syrie depuis 1971.

L’effondrement du régime d’ Assad, qui a duré un demi-siècle, fait suite à une guerre civile de treize ans, déclenchée par une répression brutale des manifestations en faveur de la démocratie. Le conflit a coûté la vie à plus de 500 000 personnes et contraint la moitié des 23 millions d’habitants du pays avant la guerre à fuir leur foyer, dont plusieurs millions à l’étranger.

Selon les données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les Syriens déplacés ont demandé l’asile dans plus de 130 pays à travers le monde, même si la grande majorité vit dans les Etats voisins, au Liban, en Jordanie, Irak, Égypte et surtout en Turquie, où l’on compte environ trois millions de Syriens.

Les chiffres publiés par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) montrent que plus de 100 000 demandes émanant de citoyens syriens étaient en attente dans l’ensemble de l’UE fin octobre, les dossiers étant gelés dans plusieurs États membres après la chute d’Assad.

02.12.2024, Syrie, Harbanouch : le camp de personnes déplacées de la ville de Harbanouch, qui a été gravement endommagé par une frappe aérienne du régime syrien. (Photo : Anas Alkharboutli/dpa)

Des pays de l’UE suspendent les demandes d’asile

 Bien que l’Europe ne soit pas la principale destination des Syriens déplacés, certains pays les accueillent depuis des années, comme l’Allemagne, où près d’un million sont arrivés au milieu de la dernière décennie. 

La décision de Berlin de suspendre la procédure d’asile affecte plus de 47 000 Syriens résidant en Allemagne. La guerre civile et la situation politique actuelle en Syrie seraient des facteurs majeurs pour décider si les demandeurs doivent ou non recevoir l’asile, selon un porte-parole de l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés (BAMF).

La porte-parole adjointe du ministère de l’Intérieur, Sonja Kock, a indiqué qu’« il existe la possibilité de réduire la priorité des décisions en matière d’asile », une option à laquelle le BAMF peut recourir dans des situations confuses, comme celle en Syrie. Cela signifie que les décisions concernant les Syriens ne sont pas prises mais sont placées au bas de la liste, les autres décisions en la matière devenant prioritaires, a-t-elle expliqué.

De son côté, le gouvernement français a suivi l’exemple d’autres pays européens en décidant de geler la procédure. « Nous avons décidé d’adopter une mesure inspirée de celle de l’Allemagne », a confirmé une source du ministère des Affaires étrangères.

Le gouvernement italien a adopté la même position lundi soir.

Des pays comme l’Autriche (près de 15 000 demandeurs d’asile selon les données du HCR pour 2024) et la Suisse, non membre de l’UE (un peu moins de 500), ont également gelé les demandes à la lumière des derniers développements. La Suisse reçoit chaque année plusieurs centaines de demandes d’asile de citoyens syriens, l’année 2015 ayant enregistré leur nombre le plus élevé, dépassant 4700.

La Belgique (plus de 4 000 dossiers) a également suspendu le traitement des demandes. Les autorités souhaitent plus de clarté sur l’évolution future de la Syrie et les risques liés à d’éventuels retours dans le pays. « Le statut de réfugié n’est pas nécessairement éternel. Si la situation en Syrie s’améliore durablement, je demanderai au CGRS (service chargé du traitement des demandes) de réexaminer le statut de réfugié des Syriens arrivés ici au cours des cinq dernières années », a déclaré la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor.

Aux Pays-Bas, le gouvernement impose un gel de six mois des décisions. C’est ce qu’a annoncé la ministre de l’Asile et de la Migration, Marjolein Faber, dans une lettre adressée à la Chambre des représentants. Les Syriens dont la demande est rejetée ne seront pas renvoyés chez eux.

Mardi, les autorités de l’immigration de Finlande, de Suède, du Danemark et aussi de Norvège – non membre de l’UE -, ont eux aussi annoncé qu’elles arrêtaient le traitement des dossiers des citoyens syriens.

La Première ministre sociale-démocrate danoise, Mette Frederiksen, qui appartient au groupe S&D, mais se retrouve souvent seule parmi les sociaux-démocrates européens avec sa position en matière de politique d’immigration, s’attend à ce que les Syriens rentrent chez eux pour reconstruire leur pays. « Si j’étais forcée de fuir le Danemark, j’aurais un désir ardent d’y retourner. C’est mon pays, ma langue et le lieu où ma famille vit depuis des générations », a déclaré Frederiksen.

Au Royaume’uni, ex-État membre de l’UE, (qui compte actuellement près de 5 700 demandeurs), le ministère de l’Intérieur a adopté une ligne similaire à celle de l’Allemagne ou de la France, suspendant les demandes, le temps « d’évaluer » la situation.

Le Portugal n’a pas encore décidé s’il suspendrait ou non l’accueil de futurs migrants, a déclaré le Premier ministre Luís Montenegro. Le pays ne renverra pas les 1 243 réfugiés qu’il accueille actuellement, a-t-il ajouté. « Nous ne renverrons aucun d’entre eux, nous nous occuperons de leur intégration et de leur accueil », a-t-il promis.

Selon son homologue tchèque Petr Fiala, la situation en Syrie comporte des risques pour la sécurité de l’Europe, mais elle peut aussi être une opportunité pour « créer de meilleures conditions de vie » dans le pays et permettre le retour de certains réfugiés. Actuellement, 328 personnes de nationalité syrienne bénéficient d’une protection internationale sous forme d’asile ou de protection subsidiaire en République tchèque, a précisé Fiala.

Le gouvernement espagnol n’envisage pas pour l’instant de suspendre les procédures d’asile pour les citoyens syriens, a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

La Slovénie partage une approche similaire. Mercredi, le ministère de l’Intérieur a annoncé que le traitement des demandes de protection internationale des ressortissants syriens ne serait pas suspendu pour le moment. Ses informations montrent que les Syriens restent le plus grand groupe de migrants illégaux ; plus de 14 000 d’entre eux sont entrés dans le pays au cours des dix premiers mois de l’année. En 2024,184 demandes de protection internationale ont été déposées par des Syriens en Slovénie.

La Bulgarie n’a pas encore pris de décision, car la situation est encore trop précaire, a déclaré mercredi le ministre sortant des Affaires étrangères Ivan Kondov. « À l’heure actuelle, il est de la plus haute importance de lancer un dialogue politique inclusif, dirigé par la Syrie, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU, afin d’assurer une transition ordonnée, pacifique et inclusive », a-t-il souligné.  

Amnesty International et l’ONU mettent en garde contre une sous-estimation des risques

L’ONG Amnesty International a exhorté mardi les gouvernements européens à « revenir immédiatement » sur leurs décisions de suspendre les demandes d’asile des Syriens et à ne pas sacrifier la sécurité de ces citoyens au nom des « politiques anti-réfugiés » qui prévalent sur le continent, considérant que la situation en Syrie est extrêmement volatile.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a souligné que la nouvelle donne pourrait permettre « d’avancer vers des solutions équitables à la plus grande crise de déplacement forcé au monde », tout en soulignant que la situation reste incertaine. 

UE : « pas de contact à ce stade » avec les islamistes syriens de HTS

 L’Union européenne a publié lundi un communiqué affirmant qu’elle n’était pas en contact avec le groupe islamiste HTS, qui a renversé Assad, et a appelé à une transition politique pacifique.

Hayat Tahrir al-Sham (HTS) est issu d’une branche syrienne d’Al-Qaïda, mais a afirmé avoir rompu ses liens avec le groupe jihadiste en 2016. HTS et son chef, Abou Mohammad al-Jolani, sont sous le coup de sanctions de l’UE.

« L’Union européenne n’engage actuellement aucun dialogue avec HTS ou son leader, point final », a déclaré le porte-parole de l’UE, Anouar El Anouni. « Alors que HTS prend davantage de responsabilités, nous aurons besoin d’évaluer non seulement leurs paroles mais aussi leurs actes », a-t-il ajouté.

Les 27 ont également publié une déclaration selon laquelle « il est impératif que toutes les parties prenantes s’engagent dans un dialogue inclusif, dirigé et contrôlé par les Syriens, sur toutes les questions clés afin de garantir une transition ordonnée, pacifique » et capable d’inclure toutes les communautés du pays.  

L’UE a déclaré qu’il était « essentiel de préserver l’intégrité territoriale de la Syrie, de respecter son indépendance, sa souveraineté, ainsi que les institutions de l’État, et de rejeter toutes les formes d’extrémisme ».

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est entretenue de la situation lundi avec le roi Abdallah II de Jordanie de la situation et a déclaré qu’elle contacterait d’autres dirigeants régionaux dans les prochains jours. La semaine prochaine, elle doit rencontrer le président turc, Recep Tayyip Erdoğan.

La cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas, s’est félicitée dimanche de la chute de Bachar al-Assad et a déclaré que cela mettait en évidence la faiblesse de certains de ses alliés, dont la Russie. « La fin de la dictature d’Assad est une évolution positive et attendue depuis longtemps. Cela montre également la faiblesse des soutiens d’Assad, la Russie et l’Iran », a déclaré Kallas dans un message publié sur les réseaux sociaux. « Le processus de reconstruction de la Syrie sera long et compliqué et toutes les parties doivent être prêtes à s’engager de manière constructive », a-t-elle ajouté.

 Cet article est publié deux fois par semaine. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR.