2024 aura été une année électorale planétaire, avec des élections présidentielles et législatives dans 74 pays et des résultats favorables à un large éventail de préférences politiques.
Plusieurs dénominateurs communs ont cependant pu être identifiés, comme une hausse moyenne de la participation et une prédominance générale du « vote sanction », une tendance à pénaliser les partis au pouvoir.
Les résultats constituent une première pour certains pays : le Mexique et la Macédoine du Nord, par exemple, ont vu leur toute première femme présidente prendre ses fonctions cette année. La Roumanie a vu son élection présidentielle annulée dès le premier tour, ce qui constitue également une première historique.
Élections européennes : un virage à droite
Les élections européennes de juin, l’un des scrutins majeurs de 2024, ont débouché sur un nouveau Parlement plus orienté vers la droite, reflétant une tendance plus conservatrice dans de nombreux pays de l’UE. Cela a également donné naissance à une Commission européenne plus dominée que jamais par le Parti populaire européen (PPE), conservateur de centre droit.
Le Centre européen d’études sur le populisme (ECPS) indique dans un rapport récent que pas moins de 60 partis populistes de 26 États membres de l’UE ont obtenu une représentation au Parlement européen, alors qu’en 2019, ils étaient 40 venant de 22 pays.
La consolidation de la droite populiste s’est confirmée lors des élections nationales en Europe, où de plus en plus de partis d’extrême droite font partie de coalitions, comme aux Pays-Bas, ou constituent un élément important dans l’équilibre des pouvoirs.
Selon le rapport, la droite populiste s’est établie dans pratiquement tous les États membres et a particulièrement bien progressé dans des pays comme la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Roumanie et les Pays-Bas.
Annulation, résultats contestés, élections anticipées et turbulences politiques
C’est une première historique : les élections roumaines ont été annulées en raison d’informations faisant état d’ingérence russe dans le processus électoral début décembre. En Bulgarie, les citoyens ont été invités à voter pour la septième fois en seulement quatre ans et les deux plus grandes économies de l’UE – l’Allemagne et la France – ont également connu leur part de troubles politiques.
Les Roumains se sont récemment rendus aux urnes pour voter au premier tour de l’élection présidentielle, remportée contre toute attente par le pro-russe Calin Georgescu. À la suite du résultat, l’ensemble du processus électoral a été – de manière controversée – annulé par la Cour constitutionnelle roumaine (CCR) le 6 décembre, deux jours avant le deuxième tour du scrutin. Le vote à l’étranger avait déjà commencé.
Les services de renseignement ont rapporté que la Roumanie était « une cible d’actions hybrides russes agressives » et le tribunal a soutenu que l’ensemble du processus électoral avait été vicié. Les citoyens auraient été mal informés lors de la campagne électorale, selon la CCR. D’après elle, un candidat a bénéficié d’une promotion agressive qui a contourné les règles électorales ainsi que d’une exploitation abusive des algorithmes des plateformes de médias sociaux.
Les Bulgares ont assisté en 2024 aux sixièmes et septièmes élections législatives en quatre ans. Les négociations pour former le gouvernement sont en cours. Alors que les coalitions pro-européennes GERB-UDF et CC-DB restent les deux plus grandes forces politiques, le parti d’extrême droite Vazrajdane arrive en troisième position avec plus de 13 pour cent et moins d’un pour cent d’écart avec la CC-DB. Ce parti a également fait son entrée au Parlement européen en juin, avec trois députés rejoignant un groupe d’extrême droite, l’Europe des nations souveraines.
Début novembre, la Cour constitutionnelle bulgare a ouvert une procédure contestant la légalité de l’élection des députés dans plus de 50 bureaux de vote. La pétition, déposée par des membres de l’ancienne Assemblée nationale, mettait en lumière des violations présumées qui auraient eu lieu pendant le processus de vote, notamment l’achat de voix, le décompte truqué, le transfert de votes d’un parti à un autre et l’absence de surveillance vidéo obligatoire du vote.
En France, les élections législatives anticipées, convoquées par le président Emmanuel Macron en juin, ont provoqué l’instabilité politique dans la deuxième économie de l’UE. La décision du chef de l’Etat de dissoudre l’assemblée nationale a fait suite au score élevé de l’extrême droit aux élections européennes. Aux législatives, si le Rassemblement national (RN) a remporté le premier tour, il a essuyé une défaite au second, handicapé par les pactes électoraux entre la gauche et les centristes du camp présidentiel. Le 13 décembre, Macron a nommé le centriste François Bayrou au poste de Premier ministre, lui confiant la lourde tâche de sortir la France de plusieurs mois de crise politique.
Bayrou a pris ses fonctions peu de temps après que le Parlement a évincé le gouvernement de Michel Barnier lors d’un vote de censure historique à la suite d’une impasse sur un budget d’austérité. Bayrou est le sixième Premier ministre du mandat de Macron et le quatrième en 2024.
En Allemagne voisine, le chancelier Olaf Scholz, a perdu un vote de confiance au Parlement le 16 décembre, ouvrant la voie à des élections anticipées en février qui pourraient mettre fin à son mandat à la tête de la plus grande économie d’Europe et ramener les conservateurs au pouvoir.
Scholz a immédiatement demandé au président Frank-Walter Steinmeier de dissoudre le Parlement, prochaine étape sur la voie des élections qui auront lieu environ sept mois plus tôt que prévu. Le président dispose de 21 jours pour prendre cette décision, considérée comme une formalité.
Même si Scholz a perdu, comme prévu, c’était le résultat qu’il recherchait. Sa coalition s’est effondrée après des mois de violentes luttes intestines sur la manière de redresser l’économie allemande en difficulté et de combler un déficit de plusieurs milliards d’euros dans le budget 2025.
Scholz a déjà été choisi comme tête de liste du SPD, même si les sondages actuels placent son parti en troisième position, derrière le bloc conservateur CDU/CSU et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) d’extrême droite.
En Autriche, le Parti de la liberté d’extrême droite (FPÖ) s’est imposé cette année comme la force politique la plus puissante, remportant les élections européennes de juin avec 25,4 pour cent, puis les élections législatives de septembre avec près de 29 pour cent. Mais il reste loin du pouvoir en raison d’une coalition que trois autres formations – le Parti populaire autrichien (ÖVP, conservateur), le SPÖ (social-démocrate) et le Neos (libéral) – comptent former, et qui prévoit de commencer à gouverner en janvier prochain, à condition de parvenir à un accord.
En Croatie, contrairement à d’autres États membres de l’UE, il n’y a pas eu de changements majeurs et la situation reste stable. Des élections législatives ont eu lieu à la mi-avril. Un mois plus tard, un nouveau gouvernement était formé, dirigé par le Premier ministre Andrej Plenković (HDZ, centre-droit), qui occupe ce poste depuis 2016. Le 29 décembre, les Croates se rendront aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue, le second tour aura lieu le 12 janvier.
Élections dans les pays voisins de l’UE et ailleurs dans le monde
Le Royaume-Uni, membre de l’UE jusqu’en 2020, a vu le Parti travailliste revenir triomphalement à la tête du gouvernement – avec Keir Starmer comme Premier ministre – après 14 ans de pouvoir conservateur.
La Macédoine du Nord a organisé des élections présidentielle et parlementaires au printemps. La conservatrice Gordana Siljanovska Davkova (VMRO-DPMNE) est devenue la première cheffe de l’Etat dans l’histoire du pays. La coalition « Votre Macédoine » du VMRO-DPMNE (centre droit), dirigée par Hristijan Mickoski, a remporté le scrutin, envoyant dans l’opposition le parti DUI (centre droit, représentant la minoité albanaise), au pouvoir depuis 16 ans dans diverses coalitions.
Nichée entre l’Europe et l’Asie, l’ancienne république soviétique de Géorgie avait obtenu en décembre 2023 le statut de pays candidat, mais a pris depuis plusieurs décisions jugées contradictoires à Bruxelles avec son ambition de rejoindre l’Union européenne. Après un processus de rapprochement initié il y a près de vingt ans, Tbilissi a choisi de geler les négociations d’adhésion à l’UE, ce qui a conduit à des protestations massives.
Les tensions remontent à 2023, lorsque le Parlement a commencé à débattre d’une loi à la russe sur la « transparence de l’influence étrangère ». La situation s’est aggravée après la victoire du parti pro-russe « Rêve géorgien », au pouvoir depuis 2012, aux élections législatives d’octobre. La victoire n’a pas été reconnue par l’opposition et l’Occident, qui ont dénoncé des fraudes.
Les turbulences politiques se sont intensifiées après que Tbilissi a décidé de geler le dialogue avec Bruxelles, réprimé les manifestations de masse en faveur de l’UE et porté le pro-russe Mikhaïl Kavelachvili à la présidence par un vote du parlement.
En Moldavie, pays candidat à l’adhésion à l’UE, des élections ont également eu lieu. La présidente moldave pro-occidentale Maia Sandu a remporté un second mandat. Le concurrent de Sandu, Alexandr Stoianoglo, considéré comme pro-russe, a recueilli environ 45 % des voix.
Le taux de participation électorale dans ce pays déchiré entre l’Union européenne et la Russie a été plus élevé qu’au premier tour du 20 octobre, avec plus de 54 % des votants à ce tour. La journée de vote a été ponctuée par des allégations d’ingérence russe de la part de Sandu et de son conseiller à la sécurité nationale Stanislav Secrieru.
L’UE a accusé la Russie d’ingérence « sans précédent » dans le vote en Moldavie. Une élection considérée comme parmi les plus cruciales dans l’histoire post-soviétique du pays.
Mais ce n’est pas seulement en Europe que les citoyens ont été appelés aux urnes : en Inde, le pays le plus peuplé du monde, des élections générales ont pris un mois et demi. Avec Claudia Sheinbaum, le Mexique a vu sa toute première femme présidente prendre ses fonctions. Aux États-Unis, le républicain Donald Trump a battu la démocrate Kamala Harris et devrait revenir au Bureau ovale en janvier 2025, ce qui a suscité de nombreuses discussions sur l’avenir des relations UE-États-Unis.
*Cet article n’inclut pas une liste complète de toutes les élections de 2024, mais est une sélection de couvertures par les agences de presse participant à la European Newsroom (ENR) axées sur les scrutins en Europe. ENR avait publié un article exhaustif sur les élections en Géorgie et en Moldavie, que vous pouvez retrouver ici.
Cet article est publié deux fois par semaine. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR.