Avant le sommet sur le climat COP28 qui s’est ouvert jeudi à Dubai, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a appelé la communauté internationale à briser le « cycle mortel » du réchauffement climatique et de la fonte des calottes polaires. « Les dirigeants doivent agir pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, protéger les populations du chaos climatique et mettre fin à l’ère des combustibles fossiles », a déclaré Guterres lundi devant des journalistes à New York.
Le sommet est assombri par la controverse née du fait que les Émirats arabes unis, en tant qu’hôtes, fixent l’ordre du jour. Le président désigné du sommet est Sultan Al Jaber, qui est également ministre de l’Industrie de son pays et chef de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).
Une première évaluation des progrès réalisés par les pays quant aux objectifs de l’accord de Paris de 2015 et d’autres mesures sera effectuée à Dubaï. En signant ce pacte, la communauté internationale s’était engagée à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C par rapport au niveau préindustriel, voire, si possible, à 1,5 °C.
Cet objectif a été convenu afin d’empêcher le dépassement de dangereux points de non-retour aux conséquences irréversibles, et d’éviter les effets les plus catastrophiques du changement climatique. Cependant, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), la planète se dirige actuellement vers un réchauffement de près de 3 °C.
Les enjeux de la conférence sont donc importants : se mettre d’accord sur l’abandon des combustibles fossiles et assurer un financement suffisant pour une transition équitable constituent des points clés de l’ordre du jour. Les efforts visant à maintenir « en vie » l’objectif de réchauffement climatique recommandé par les scientifiques, compte tenu de la méfiance croissante envers les engagements pris par les gouvernements et entre les pays riches et le Sud mondial, figurent aussi en tête de l’agenda.
« Nous savons que 2023 sera l’année la plus chaude depuis le début des enregistrements et que nous avons même dépassé l’objectif de 2 °C de réchauffement global. Nous devons tout simplement en faire davantage », a déclaré Tina Kobilšek, du ministère slovène de l’Environnement et négociatrice pour son pays.
Des combustibles fossiles aux énergies renouvelables
Conformément aux conclusions du Conseil de l’UE en amont de la COP28, l’UE s’engagera pour que l’accord final qui sera conclu lors du sommet sur le climat comprenne la fin de la production et de l’utilisation de tous les combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) à des fins énergétiques, ainsi que des objectifs visant à tripler les énergies renouvelables et à doubler l’efficacité énergétique.
Quant aux dates envisagées pour la fin de la production de combustibles fossiles, la présidence espagnole de l’UE a déclaré qu’elle s’alignait sur les arguments du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et de l’Agence internationale de l’énergie. Il est question de l’horizon 2030 pour l’électricité et 2050 pour l’ensemble du secteur énergétique.
« Sans l’abandon des énergies fossiles, nous ne parviendrons pas à réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et à maintenir réalistement l’objectif d’un monde à 1,5 °C », a déclaré Jennifer Morgan, représentante spéciale pour la politique climatique internationale au ministère allemand des Affaires étrangères. Le gouvernement allemand « s’engagera aux côtés de l’Union européenne pour le développement des énergies renouvelables », a-t-elle ajouté dans une déclaration.
Les objectifs de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’augmenter la production d’énergie renouvelable s’inscrivent dans le cadre mondial sur 15 ans des Nations unies, centré sur les 17 objectifs de développement durable (ODD). Tant les membres de l’UE que les pays candidats à l’adhésion font pression pour obtenir des changements dans leurs propres pays, souvent avec le soutien de Bruxelles.
La commissaire européenne à l’Innovation, à la Recherche, à la Culture, à l’Éducation et à la Jeunesse, Iliana Ivanova, a déclaré que l’Hydrogen Valley bulgare, par exemple, faisait partie des 9 projets à l’échelle de l’UE sélectionnés par le Clean Hydrogen Partnership pour obtenir un financement. Situé près de Stara Zagora, le site devrait produire au moins 500 tonnes d’hydrogène par an. L’UE subventionne le projet à hauteur de 8 millions d’euros. Ce plan coïncide avec le concept de recherche et d’innovation exposé dans la stratégie de l’UE en matière d’hydrogène, REPowerEU, et la feuille de route à venir d’Hydrogen Valley.
Le président roumain Klaus Iohannis veut s’engager à faire en sorte que les engagements déjà pris en matière de lutte contre le changement climatique soient mis en œuvre de toute urgence. Il souhaite aussi souligner l’importance de l’éducation climatique et environnementale dans le système éducatif roumain. Parallèlement, il a indiqué vouloir, lors de la COP28, mettre l’accent sur les efforts de la Roumanie pour continuer à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et communiquer son ouverture à une coopération dans un cadre multilatéral sur des questions cruciales pour la diplomatie climatique du pays.
Le 20 novembre, le parlement albanais a approuvé par 73 voix les modifications d’une loi fiscale nationale qui prévoit aussi l’augmentation de la taxe carbone pour le charbon et certains de ses produits dérivés. Cette décision s’inscrit dans le cadre du concept de décarbonisation conforme à la politique verte de l’Union européenne. L’Albanie fait également partie des 192 États membres des Nations unies ayant adopté l’Agenda 2030 pour le développement durable. Le gouvernement albanais s’engage aussi à poursuivre les plans et les projets visant à atteindre les objectifs de développement durable.
Le fonds Pertes et dommages de nouveau en question
Bien qu’un message clair sur l’atténuation du changement climatique soit l’objectif principal de la conférence COP28 de cette année, ce ne sera pas le seul – pour obtenir un résultat équilibré, il est également nécessaire de progresser au niveau de la solidarité, notamment en ce qui concerne le nouveau fonds Pertes et dommages. Cet instrument, qui vise à compenser les pertes et les dommages causés par le réchauffement climatique dans les pays les plus pauvres, a été adopté l’année dernière lors de la COP27 à Charm el-Cheikh.
Les négociations de l’année dernière entre les pays riches et les pays en développement ont abouti à un compromis. Le fonds restera à la Banque mondiale pendant quatre ans – une solution qui ne plaît pas aux pays les plus pauvres. La décision finale doit être prise à Dubaï. On s’attend à une lutte acharnée entre le Nord et le Sud.
Le fonds Pertes et dommages est censé fournir chaque année 100 milliards de dollars américains d’aide aux pays vulnérables. Les pays en développement attendent surtout de l’argent des pays riches et industrialisés – certains espèrent des montants annuels de plusieurs centaines de milliards. Les fonds promis, certes considérables, ne représentent toutefois qu’une fraction des 2 000 milliards de dollars américains qui, selon les estimations des Nations unies, seront nécessaires chaque année d’ici à 2030 pour financer les efforts d’adaptation au changement climatique et l’aide qui en découle pour les pays en développement.
Le commissaire européen chargé de la Politique climatique, Wopke Hoekstra, qui négociera au nom de l’UE lors de la COP28, a d’ores et déjà clairement indiqué que selon lui, la Chine devait contribuer au fonds Pertes et dommages et non en bénéficier. « La Chine a fait d’énormes progrès. Elle est la deuxième économie du monde. Elle possède à peu près le même nombre de véhicules électriques que l’Union européenne. (…) Cette richesse et cette puissance économique s’accompagnent de responsabilités », a-t-il déclaré.
Le récent accord entre les États-Unis et la Chine sur la coopération en matière de changement climatique est de bon augure pour le renforcement des efforts mondiaux de lutte contre ce changement. La COP28 vise notamment à conclure des accords pour tripler les énergies renouvelables d’ici 2030 et à renforcer le soutien à la mise en œuvre des projets. Le développement des énergies renouvelables (ainsi que l’engagement à la réduction des émissions de méthane) est le point culminant de l’accord entre les États-Unis et la Chine, qui pourrait également impliquer d’autres puissances.
La présidence de la COP29 est-elle à l’ordre du jour ?
Les sommets de la COP se déroulent généralement à tour de rôle dans cinq groupes régionaux. La question importante de savoir quel pays accueillera la COP29 en 2024 préoccupe déjà les diplomates en amont de la COP28. Actuellement, la présidence de la conférence de l’an prochain est prévue pour l’Europe de l’Est.
La Bulgarie s’était portée candidate à cet honneur mais a été bloquée par la Russie. Le ministre bulgare de l’Environnement, Julian Popov, a expliqué à POLITICO que l’argument des Russes était « qu’ils ne croient pas que la Bulgarie ou un autre pays de l’UE sera impartial dans la conduite de la COP29 ». Selon lui, l’argument caché de la Russie est que « les pays de l’UE la bloquent à cause de différents points liés à la guerre contre l’Ukraine », ce pour quoi elle contre-attaque.
Outre la Bulgarie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont proposés pour accueillir l’événement, mais les deux pays se mettent mutuellement des bâtons dans les roues à cause du conflit persistant autour du Haut-Karabakh ; la Russie bloque la Bulgarie et la République tchèque parce qu’il s’agit de pays de l’UE, mais soutient la Biélorussie.
La 28e Conférence des Nations unies sur le climat a débuté le 30 novembre à Dubaï et durera jusqu’au 12 décembre. On attend 70 000 participants de 197 pays.
Cette publication est hebdomadaire. Le contenu est basé sur des nouvelles des agences participantes au sein de la enr.