Si le consommateur peut savoir à partir du code si le produit est bio, il ne peut pas identifier un fruit ou un légume OGM. En France, ceux-ci sont de toutes façons interdits à la culture et à la commercialisation.
« Ces autocollants sur les fruits (surtout importés) savez-vous ce qu’ils signifient ? Information très importante, j’espère que vous pourrez en profiter », fait valoir une publication virale sur Facebook, dont les affirmations, complétées d’une photo de pomme étiquetée, ont été reproduites telles quelles des milliers de fois par divers comptes sur le réseau social, comme ici ou encore ici.
La photo montre une pomme estampillée d’une étiquette mentionnant la variété du fruit et le code à quatre chiffres « 4173 », tandis que le texte affirme qu’un tel code, s’il commence par 3 ou 4, prouve que le fruit « a été aspergé de pesticides ». Pour un code à cinq chiffres, le fruit serait bio s’il commence par 9, et OGM s’il commence par 8, affirme encore la publication.
Une recherche sur Facebook montre que cette publication circulait déjà en français en 2021.
Elle a aussi rencontré un gros succès sur le réseau social à travers le monde, par exemple en Grèce, où un post prenant l’exemple d’une orange circule, et a donné lieu depuis trois ans à des articles de l’AFP vérifiant la même affirmation, comme aux Etats-Unis.
Des variantes circulent par ailleurs, affirmant à tort que ces codes permettraient de savoir où les biens ont été produits, comme certaines en Amérique du Nord et en Malaisie.
Des références pour des passages en caisse plus rapides
Une recherche sur internet permet de voir que les codes sur ces étiquettes sont dénommés « codes PLU », pour « Price Look-Up », ou « codes prix ».
Ils sont utilisés dans de nombreux pays pour référencer les produits, actualiser les stocks et faciliter le passage en caisse dans les magasins.
« Les codes PLU sont utilisés par les entreprises de vente au détail pour faciliter les procédures à la caisse de sortie. Ils servent à identifier les fruits et les légumes – ainsi que les noix et les fines herbes – en vrac ou dans des emballages de poids variable ou aléatoire. Le plus souvent, le code PLU est imprimé sur une petite vignette autocollante apposée à même les fruits et les légumes et il comporte quatre ou cinq chiffres », a expliqué l’Interprofession française des fruits et légumes frais (Interfel) dans un mail à l’AFP le 6 juin 2023.
« Le système PLU a été développé afin d’assister les détaillants à la caisse, pour s’assurer que les produits vendus en vrac, en gros, non emballés, pourraient être identifiés correctement et que les clients paieraient le prix correct », avait déjà indiqué Jane Proctor, présidente du comité d’identification des produits au sein de la Fédération internationale pour les normes des produits (International Federation for Produce Standards, IFPS – archive), qui édite ces codes, dans un email à l’AFP le 14 décembre 2022.
« Sans un référencement ou un système de scan, les caissiers devraient savoir quelle variété de quel produit ils ont sous les yeux, y compris savoir s’il est bio, ce qui est, évidemment, extrêmement difficile, sinon impossible, à faire de visu », avait-elle ajouté.
Les principaux supermarchés utilisent ces codes depuis les années 90, mais ceux-ci ne sont pas obligatoires ni requis par la loi.
L’IFPS les crée et attribue chacun à une variété de fruit ou de légume de manière aléatoire dans les séries de nombres 3000, 4000, 83000 et 84000, est-il expliqué sur son site (archive).
Par exemple, le code de la pomme sur la photo des publications Facebook virales en français est le « 4173 ». A la page 5 de la liste mondiale et régionale des codes PLU (archive), ce nombre référence bien des « pommes », « petites », de la variété « Royal Gala », comme on peut le voir ci-dessous:
Le code sur l’étiquette de la pomme correspond donc à un système de référencement des variétés de fruits et légumes dont l’objectif est notamment d’appliquer le prix associé par le magasin au moment du passage en caisse.
Le préfixe 9 pour le bio
Dans ce cadre, les publications sur Facebook sont piégeuses car, d’une part, la signification du début du code qu’elles relaient est correct pour les fruits et légumes bio. Mais elle est exagérée pour les produits non bio, et carrément fausse pour les fruits et légumes génétiquement modifiés (OGM), car aucun code particulier n’existe pour eux, et ils sont de toute façon absents des étals en France.
D’abord, les codes à quatre chiffres des séries 3000 et 4000 signifient que les fruits ou les légumes ont été produits de manière dite « conventionnelle », explique l’IFPS sur son site, c’est-à-dire que des pesticides et des engrais ont été utilisés pour les produire. « La série de quatre chiffres désigne les fruits et les légumes cultivés selon des méthodes traditionnelles », a confirmé l’Interfel à l’AFP. C’est ce à quoi font référence les publications virales lorsqu’elles évoquent, en exagérant, des codes commençant par 3 ou 4 prouvant selon elles que les produits ont été « aspergés de pesticides ».
Ensuite, pour les produits bio, un préfixe, en l’occurrence le chiffre 9, est placé devant ces codes, qui deviennent alors des codes à cinq chiffres. Pour les produits bio, « le préfixe 9 est placé avant les quatre chiffres référençant un produit issu de l’agriculture conventionnelle« , a indiqué l’IFPS à l’AFP en décembre 2022. C’est aussi ce qu’elle écrit sur son site.
« Par exemple, le code PLU 4011 désigne une banane cultivée selon des méthodes traditionnelles, tandis que le code PLU 94011 désigne une banane biologique », illustre l’Interfel.
Par contre, un code commençant par 8 ne signifie absolument pas que le fruit ou le légume a été génétiquement modifié, ont confirmé les professionnels contactés par l’AFP.
Le préfixe 8 pour augmenter le nombre de références
Avec l’accroissement des variétés de produits frais disponibles à la vente, les professionnels ont en effet besoin de toujours plus de nouveaux préfixes à ces codes pour référencer les produits. Ainsi, une fois que les codes à quatre chiffres, assignés de manière aléatoire dans les séries des 3000 et 4000, auront été épuisés, le préfixe 8 sera ajouté et de nouvelles références seront alors attribuées dans les séries 83000 and 84000, explique l’IFPS sur son site.
Il se trouve qu’« à un moment, le 8 a été désigné comme le chiffre à ajouter à tout PLU de l’IFPS pour indiquer que le produit serait un fruit ou un légume OGM », rappelle Jane Proctor. Mais il n’a finalement jamais été utilisé dans le commerce de détail, souligne-t-elle, car il n’existe que très peu de fruits ou légumes OGM.
C’est ce qu’explique aussi l’interprofession française.
En 2018, l’IFPS avait ainsi déjà indiqué dans un communiqué que « bien que le préfixe ‘8’ (83000-84999) était par le passé réservé aux produits OGM, il n’a jamais été utilisé dans la vente au détail ».
Le 8 n’identifiant finalement pas des produits OGM, il a été décidé qu’il « serait utilisé pour étendre la quantité de nombres disponibles pour de nouveaux produits introduits sur le marché », ajoute Jane Proctor. Ainsi, lorsque tous les nombres de 3000 à 4999 auront été attribués, les nouvelles variétés seront référencées avec des codes allant de 83000 à 84999.
Au 5 juin 2023, les données en ligne de l’IFPS ne comportaient toujours aucun produit codé avec le préfixe 8.
Les consommateurs ne peuvent donc pas se fier à ces séries de chiffres pour savoir si un fruit ou un légume est un OGM.
Pas de culture et de vente de fruits et légumes OGM en France
Surtout, il faut rappeler que « ni la culture de fruits ou légumes OGM ni leur commercialisation ne sont autorisées en France et en Europe », souligne le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL), organisme de recherche de la filière, sur son site (archive). Et « à notre connaissance, il n’existe pas d’importation de fruits et légumes sous OGM », souligne l’Interfel.
Seule « une centaine d’OGM et/ou leurs produits dérivés sont autorisés pour l’importation et l’utilisation en alimentation humaine et animale », précise le CTIFL, et ces autorisations, délivrées au niveau européen, concernent « le maïs, le soja, le colza, le coton et la betterave sucrière » – mais elles « ne permettent pas la mise en culture des OGM correspondants ».
C’est ce qu’explique aussi le ministère français de l’Agriculture sur son site (archive).
La réglementation européenne est en outre stricte (archive). Les règlements 1830/2003 (archive) sur la traçabilité des OGM et 1829/2003 (archive) sur leur étiquetage prévoient un système qui permet au consommateur d’identifier très clairement ces produits ou leur présence dans un produit transformé.
Le règlement 1830 du 22 septembre 2003 indique en effet clairement page 3 (archive) que « les opérateurs veillent à ce que, s’il s’agit de produits préemballés qui consistent en OGM, ou qui en contiennent, la mention ‘Ce produit contient des organismes génétiquement modifiés’ ou la mention ‘Ce produit contient du[ou des] [nom du ou des organismes] génétiquement modifié[s]’ figure sur une étiquette' ».
6 juin 2023 Revalidation suite bug technique
Gaëlle GEOFFROY
Théophile BLOUDANIS
Marisha Goldhamer
AFP France
AFP Grèce
AFP Etats-Unis
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