Certes, le nouveau cabinet suédois est connu pour ses positions en faveur du nucléaire et il a récemment modifié ses objectifs concernant le rôle des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Mais cela ne va pas plus loin.
« La Suède se retire du Green Deal européen, abandonne le développement du solaire et de l’éolien et lance un programme nucléaire », affirme une publication sur Twitter partagée près de 2.000 fois depuis le 26 juin.
« La Suède dit adieu au Green Deal ! Et Macron il attend quoi », peut-on lire dans un autre tweet, quand une publication Facebook se félicite aussi de cette décision prétendument prise par la Suède.
Hypothèse d’origine allemande
Ces trois publications relaient une capture d’écran d’un billet (lien archivé) de blog allemand titré « La Suède se retire du Green Deal et abandonne les objectifs d’énergie verte ».
« Le gouvernement suédois (…) a porté un coup au Green Deal de l’UE en abandonnant les objectifs en matière d’énergie verte », écrit l’auteur du billet, en voulant pour preuve les propos tenus par la ministre des Finances, Elisabeth Svantesson (lien archivé), devant le Parlement suédois.
« Les énergies éolienne et solaire sont trop instables » pour répondre aux besoins énergétiques du pays, aurait-elle déclaré d’après ce billet de blog qui inclut, comme source, une dépêche de l’agence Reuters (lien archivé) du 20 juin 2023, reprise sur le média européen Euractiv (lien archivé).
Intitulée « La Suède adopte un objectif énergétique ‘100% sans énergie fossile’, facilitant la voie au nucléaire« , cette dépêche fait état d’un vote au Parlement suédois modifiant l’objectif national pour la composition de la production d’électricité à horizon 2040.
Si la ministre des Finances y affirme : « Nous avons besoin de plus de production d’électricité, d’électricité propre et d’un système énergétique fiable« , on n’y trouve cependant aucune citation de sa part autour de l’instabilité des énergies éolienne et solaire, contrairement à ce qu’affirme le billet de blog.
Dans les propos de la ministre des Finances rapportés par l’agence de presse Reuters, on ne trouve aucune mention non plus d’une sortie proprement dite de la Suède du « Green Deal ». L’AFP n’a par ailleurs pas retrouvé trace de la citation rapportée par le blog allemand – « les énergies éolienne et solaire sont trop instables ».
Qu’en est-il réellement?
Le 20 juin, le Parlement suédois a adopté un amendement déposé par le gouvernement qui fixe un nouvel objectif pour la composition de la production d’électricité pour 2040, objectif passant d’une production d’électricité à 100% renouvelables en 2040 à une production d’électricité à « 100 % sans énergie fossile« .
Mais cela ne signifie en rien un retrait officiel de ce pacte qui contient au total une cinquantaine de mesures, comme l’indiquait un porte-parole de la Commission européenne à l’AFP le 28 juin 2023 : « La Suède n’a pas annoncé la moindre intention de se ‘retirer’ du Green Deal européen.«
Le service presse du ministère des Finances suédois a également démenti auprès de l’AFP, le 29 juin 2023, l’affirmation selon laquelle la la Suède se serait retirée ou compterait se retirer du Green Deal européen.
« La Suède, qui occupe actuellement la présidence tournante du Conseil de l’Europe, joue un rôle important et fait entendre sa voix en faveur de cette législation et de sa finalisation« , indiquait en outre le porte-parole de la Commission européenne la veille, tout en soulignant que le fait « de recourir à l’énergie nucléaire relève d’un choix national qui ne va pas à l’encontre des objectifs du Green Deal européen« .
Un plan climat qui vise un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050
Présenté pour la première fois en décembre 2019, ce « Green Deal« – ou « Pacte Vert pour l’Europe » (lien archivé) – est un plan climat qui doit notamment permettre d’atteindre un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, une réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990 et 3 milliards d’arbres supplémentaires plantés dans l’UE d’ici à 2030.
« C’est un moment européen comparable à celui de l’homme qui marche sur la Lune », avait déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de la présentation de cette feuille de route faite d’une cinquantaine d’actions.
Plus de deux ans plus tard, si l’essentiel du plan a été adopté (réforme du marché carbone, taxe carbone aux frontières, fin des ventes de voitures à moteur thermique…), les négociations patinent pour d’autres textes clefs de ce Pacte vert, sur la biodiversité, les pesticides ou les émissions polluantes des élevages.
« Nous sommes actuellement en train d’adopter et d’approuver divers textes législatifs par secteur – sur l’énergie, les transports, l’utilisation des sols, etc.« , indiquait en juin 2023 le porte-parole de la Commission européenne à l’AFP.
Dans ce contexte, des doutes émergent sur la capacité de l’UE à remplir ses objectifs. Le 26 juin 2023, la Cour des comptes européenne a ainsi estimé (lien archivé) que ces objectifs pour 2030 avaient « du plomb dans l’aile ».
« Pour atteindre ses objectifs de 2020 en matière de climat et d’énergie, l’UE a pu compter sur des facteurs externes, tels que les effets de la pandémie de COVID-19, qui ont contribué à la réduction des émissions », souligne la Cour. « Peu d’éléments indiquent que les actions entreprises seront suffisantes pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques fixés pour 2030 ».
Parmi les sources d’inquiétudes, les plans nationaux qui ne sont, à ses yeux, « pas suffisamment ambitieux » pour atteindre l’objectif collectif d’efficacité énergétique que se sont fixés les Vingt-Sept à l’échelle de l’UE.
Les Etats membres de l’UE ont par ailleurs jusqu’au 30 juin 2023 pour présenter à la Commission européenne une mise à jour de leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat pour la période 2021-2030 (source) et doivent « en transmettre une version définitive pour la mi-2024.«
En Suède, les objectifs figurent dans le plan climat (lien archivé) du gouvernement suédois transmis à Bruxelles en 2020. Si l’on se base sur le tableau contenu dans le document officiel, Stockholm prévoit entre autres une réduction de ses émissions nettes de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2045.
Parmi les autres objectifs, figurent 50% de la consommation totale d’énergie couverts par des sources renouvelables en 2020 et une production d’électricité en 100% renouvelable d’ici 2040. Le tableau précise qu’il s’agit là d’un objectif et non d’une échéance pour l’énergie nucléaire.
Depuis 2020, les choses ont changé. Des élections ont eu lieu et en octobre 2022, le dirigeant conservateur suédois Ulf Kristersson a été élu Premier ministre par le Parlement (lien archivé), avec un soutien inédit et influent de l’extrême droite des Démocrates de Suède (SD) marquant une nouvelle ère politique pour le pays scandinave.
Dans leur feuille de route, la coalition de partis au pouvoir prévoyait notamment une relance de l’énergie nucléaire que la Suède avait résorbée ces dernières décennies.
Le 20 juin dernier, le Parlement suédois a adopté un nouvel objectif national pour la composition de la production d’électricité pour 2040. Le nouvel objectif est une production d’électricité à « 100 % sans énergie fossile » en 2040. L’objectif précédent était une production d’électricité d’origine « 100 % renouvelable » en 2040, peut-on lire (lien archivé) sur le site officiel du Parlement, le Riksdagen.
Selon les données énergétiques compilées par l’Institut suédois (lien archivé), une agence publique suédoise, dont la mission est de promouvoir l’image et la crédibilité du pays dans le monde, 75% de la production d’électricité suédoise provient de l’énergie hydroélectrique (43%) et nucléaire (31%) – assurée par trois centrales nucléaires. 16% de la production d’électricité provient par ailleurs de l’énergie éolienne, et 9% par la cogénération (une production combinée d’électricité et de chaleur), « principalement alimentée par des biocarburants« .
En 2021, « près de 60% de l’énergie produite en Suède provenait de sources renouvelables« , indique encore cette page.
AFP France
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