Actuellement, parmi les 27 États membres de l’UE, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, Chypre et l’Irlande ne font pas partie de l’espace Schengen. À l’inverse, l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein, qui ne sont pas membres de l’UE, appartiennent à l’espace Schengen. La République tchèque, qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’UE, a inscrit la question à son agenda et vise une adhésion commune à l’espace Schengen de la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie. Le Conseil de l’UE votera à ce sujet le 9 décembre. L’adhésion de nouveaux pays à l’espace Schengen requiert une décision unanime de ce Conseil.
La Croatie, le plus jeune membre de l’UE (rejointe en 2013), est sur le point d’adopter l’euro. La Croatie semble en bonne voie pour rejoindre l’espace Schengen étant donné que jusqu’à présent, aucune annonce de veto n’a été faite, du moins publiquement, par un membre de Schengen. Il semble donc que la Croatie ait de bonnes chances de rejoindre dès le début de l’année prochaine cet espace sans contrôles aux frontières intérieures.
La Roumanie et la Bulgarie attendent une décision depuis 2011. En juin 2011, le Conseil de l’UE et le Parlement européen ont confirmé que la Bulgarie et la Roumanie remplissaient tous les critères d’adhésion à Schengen. Cependant, en septembre de la même année, les Pays-Bas et la Finlande y ont mis leur veto en évoquant l’insuffisance de la lutte contre la corruption et le crime organisé en Roumanie et en Bulgarie. Le 18 octobre 2022, pour la quatrième fois depuis 2018, le Parlement européen a finalement demandé une nouvelle fois aux États membres réunis au sein du Conseil de l’UE d’accepter sans délai la Roumanie et la Bulgarie dans l’espace Schengen.
Les Pays-Bas s’opposent à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen.
Les Pays-Bas continuent de s’opposer à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Le Parlement néerlandais a adopté en octobre 2022 une résolution demandant que les Pays-Bas refusent l’entrée de ces deux États dans l’espace Schengen. Cette résolution prévoit d’analyser le fonctionnement de l’État de droit sur place. Elle demande également de vérifier si et dans quelle mesure la corruption et la criminalité organisée ont diminué dans ces deux pays. Il est également précisé que l’admission « risque de poser de sérieux problèmes pour le fonctionnement des contrôles aux frontières des pays concernés et constitue donc un risque pour la sécurité des Pays-Bas et de l’ensemble de l’espace Schengen ».
Le président bulgare Rumen Radev a commenté le 21 octobre : « Les élections aux Pays-Bas ont lieu au printemps. C’est une question compliquée, mais les Pays-Bas sont déjà isolés au sein du Conseil. La Bulgarie et la Roumanie sont prises en otage par la politique intérieure des Pays-Bas, et cela ne durera pas longtemps. »
Depuis leur adhésion à l’UE en 2007, les autorités judiciaires de Roumanie et de Bulgarie font l’objet d’une surveillance particulière de la Commission européenne pour cause de corruption généralisée. Le Parlement européen a qualifié les règles actuelles de nuisibles au marché intérieur de l’UE. « Le maintien des contrôles aux frontières intérieures est discriminatoire et a de graves conséquences sur la vie des travailleurs et des citoyens », ont déclaré les députés européens.
La Roumanie espère adhérer à Schengen.
Le ministre roumain des Affaires étrangères, Bogdan Aurescu, pense que des démarches politiques, diplomatiques et techniques restent possibles. « Je suis certain que la partie néerlandaise examine absolument toutes les options et variantes », a-t-il déclaré.
L’eurodéputé roumain Victor Negrescu décrit trois scénarios possibles pour l’adhésion de la Roumanie à Schengen. Le premier serait le vote sur l’adhésion de la Roumanie à Schengen, qui aura lieu les 8 et 9 décembre au Conseil « Justice et affaires intérieures ». Dans ce cas, si les Pays-Bas restaient le dernier pays sans position claire, ils voteraient pour l’adhésion. L’adhésion serait toutefois assortie d’obligations et de conditions qui seraient peut-être soutenues par d’autres pays européens. Ils pourraient demander à la Commission européenne de mettre au point un mécanisme de surveillance spécial qui permettrait de suspendre des droits spécifiques à l’espace Schengen en cas d’infraction à certaines dispositions.
Le deuxième scénario consisterait à reporter le vote à une session extraordinaire, qui pourrait même avoir lieu cette année, en attendant les conclusions du dernier rapport du Mécanisme de coopération et de vérification (Mechanism for Cooperation and Verification, CVM) et l’avis de la Commission de Venise sur les lois sur la justice. La Commission a mis en place le CVM à titre de mesure transitoire pour aider la Roumanie à combler ses lacunes en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption. La Bulgarie est elle aussi toujours confrontée à présent au problème d’une lutte insuffisante contre la criminalité organisée. Dans ce cas de figure, l’adhésion de la Roumanie à Schengen dépendrait de critères sans aucun rapport avec l’acquis de Schengen. Selon le député roumain, la séparation de la décision pour la Bulgarie et pour la Roumanie est également à l’étude.
Le dernier scénario qu’il décrit serait un report de la décision sur l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’année prochaine, après les élections aux Pays-Bas de mars 2023.
La Croatie compte adhérer à l’espace Schengen en 2023.
En ce qui concerne la Croatie, le Conseil de l’UE a lancé fin juin, encore sous la présidence française, le processus de décision concernant l’admission dans l’espace Schengen, et a demandé au Parlement européen de rendre son avis, qui est indispensable pour la décision finale. Même si cet avis n’est pas contraignant pour le Conseil, il constitue à la fois un signal politique et une étape obligée de la procédure. Le Conseil de l’UE a proposé de supprimer les contrôles aux frontières terrestres et maritimes de la Croatie avec les États de Schengen à partir du 1er janvier 2023 et dans les aéroports à partir du 26 mars de la même année.
Lors de la session plénière du 10 novembre 2022, le Parlement européen a voté en faveur de l’adhésion de la Croatie à Schengen. Il s’agit de l’avant-dernière étape avant la décision finale, attendue pour le 9 décembre lors de la réunion des ministres de l’Intérieur des États membres de l’UE.
Slovénie et Croatie : un conflit frontalier qui dure depuis des décennies.
La Slovénie soutient l’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen. Le sort de l’accord conclu avec la Croatie pour régler le différend frontalier de 2017 reste toutefois en suspens. Cet accord fixait le tracé de la frontière terrestre et maritime alors que les deux pays n’avaient pas trouvé de solution pendant plus de deux décennies.
La Croatie insiste sur le fait qu’elle ne fait plus partie de l’arbitrage, des irrégularités de procédure ayant été commises par la Slovénie. Pourtant, le tribunal arbitral avait constaté en 2016 que ces irrégularités n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher le tribunal d’achever son travail. Ljubljana, en revanche, campe sur ses positions : pour la Slovénie, la sentence arbitrale constitue le jugement définitif sur le tracé de la frontière.
Les politiciens slovènes ont souvent évoqué plus ou moins ouvertement la possibilité de conditionner l’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen à la mise en œuvre de la sentence arbitrale. On peut s’attendre à ce que le gouvernement slovène rédige une déclaration unilatérale selon laquelle la Croatie, en adhérant à Schengen, reconnaîtrait cette sentence. « Nous parlons d’adopter une déclaration, mais cette déclaration ne sera rien d’autre qu’un engagement renouvelé à mettre en œuvre la sentence arbitrale, ce qui signifie que l’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen n’affaiblira nullement la sentence arbitrale », a déclaré la semaine dernière la ministre slovène des Affaires étrangères Tanja Fajon. Fajon, qui s’attend à une décision politique positive des ministres de l’Intérieur de l’UE sur l’adhésion de la Croatie à Schengen, a également annoncé que le gouvernement adopterait prochainement un texte qui serait ensuite soumis au vote du Parlement.
La Bosnie-Herzégovine, non-membre de l’UE, craint une frontière « hermétique ».
L’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen représente un défi particulier pour la Bosnie-Herzégovine (BiH), qui a une frontière de près de mille kilomètres avec la Croatie. Des liens économiques, culturels et familiaux forts existent entre les deux pays. La Bosnie-Herzégovine craint que les règles de Schengen ne rendent « plus étanche » la frontière entre les deux pays frontaliers.
Les entreprises s’attendent à des problèmes liés à la vitesse de circulation des marchandises à la frontière avec la Croatie. Il existe entre la BiH et la Croatie 9 points de contrôle transfrontaliers et 20 points de passage permanents de trafic transfrontalier. Sur ces 9 points de passage, seuls 2 disposent d’un statut spécial de contrôle phytosanitaire, nécessaire à l’exportation de fruits, de légumes et de toutes autres marchandises impliquant ce type d’inspection. La Chambre de commerce extérieur de BiH a signalé à plusieurs reprises que la mise en œuvre des normes de contrôle de Schengen pourrait entraîner des encombrements et des retards des camions chargés de telles marchandises en provenance de Bosnie-Herzégovine. Elle demande une meilleure adaptation aux nouvelles conditions lors du passage de la frontière.
La police des frontières de Bosnie-Herzégovine affirme toutefois qu’il ne devrait pas y avoir de changements significatifs pour les citoyens entrant en Croatie. Ils considèrent que l’adhésion de la Croatie à Schengen présente l’avantage d’une meilleure surveillance d’une frontière commune mise à mal par la crise migratoire. « L’adhésion de la Croatie à Schengen confirmerait le respect de tous les critères et donc un très haut niveau de sécurité aux frontières extérieures du pays, ce qui est particulièrement important dans le cadre de la prévention de toutes les formes de criminalité transfrontalière et du franchissement illégal des frontières dans le contexte de la crise actuelle des migrants », a déclaré la police des frontières de BiH à l’agence de presse FENA.
La Croatie a investi dans la protection des frontières avec le soutien de l’UE. Les frontières du pays sont surveillées par 6 500 policiers. Les organisations non gouvernementales et les médias ont signalé à de multiples reprises des refoulements et des traitements inhumains de migrants illégaux par les autorités croates. En conséquence, le pays a lancé, en coopération avec des organisations de la société civile, une surveillance indépendante du comportement de la police des frontières envers les migrants et les demandeurs d’asile. Selon la proposition de la Commission du Pacte européen sur les migrations et l’asile, de tels mécanismes de surveillance devraient être mis en place dans tous les États membres.
Cette rubrique paraît le vendredi. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’enr.