L’Union européenne va revoir son accord de coopération avec Israël après qu’une « large majorité » d’États membres ont soutenu une proposition en ce sens à la suite de la nouvelle offensive militaire à Gaza et du blocus de l’aide humanitaire.
« La situation à Gaza est catastrophique », a déclaré la cheffe de la diplomatie de l’Union, Kaja Kallas, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept. « Je ne donnerai pas de chiffres ni de noms d’États membres, mais je peux dire qu’une immense majorité est favorable à cette proposition. »
Elle a également appelé à une entrée immédiate d’aide « à grande échelle » à Gaza dans l’intervalle.
Cette décision intervient alors que la position de plusieurs pays européens à l’égard d’Israël s’est durcie ces dernières semaines, suite à la fin du cessez-le-feu à Gaza en mars, au blocus de l’aide imposé pendant onze semaines et à l’intensification des opérations militaires israéliennes à Gaza.
Le blocus a été levé lundi, mais seulement pour permettre une aide minimale, que les Nations Unies ont qualifiée de « goutte d’eau dans l’océan » des besoins.
Pourquoi maintenant ?
Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, a écrit à Kallas au début du mois pour demander à Bruxelles d’enquêter afin de déterminer si Israël respecte toujours les termes de l’accord d’association avec l’UE.
Selon Veldkamp, le gouvernement israélien viole son article 2 en imposant le blocus de l’aide. Cet article stipule que les droits humains et les principes démocratiques doivent être respectés.
Il a également fait savoir qu’il n’accepterait pas de prolonger le Plan d’action UE-Israël dans l’attente des résultats de l’enquête. Ce texte concrétise la coopération entre les deux parties. Sa prolongation requiert l’unanimité.
L’accord d’association et son Plan d’action accordent notamment à Israël des privilèges économiques. L’Etat hébreu est également éligible à certaines subventions européennes. L’Union est son principal partenaire commercial.
Un réexamen va maintenant être effectué, mais aucun calendrier n’a été annoncé.
Kallas a également déclaré que des sanctions contre les colons israéliens en Cisjordanie avaient été préparées, mais qu’elles étaient bloquées par un État membre, la Hongrie selon certaines sources.
Israël a critiqué la décision de l’Union, avertissant qu’elle pourrait compliquer les efforts pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Oren Marmorstein, a déclaré que les critiques internationales croissantes ne feraient qu’encourager le Hamas dans les négociations en cours.
Les actions d’Israël entraînent une pression internationale accrue
Le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre britannique Keir Starmer et son homologue canadien Mark Carney ont publié lundi une déclaration commune ferme, affirmant qu’ils prendraient de « nouvelles mesures concrètes » si Israël ne cessait pas sa nouvelle offensive militaire et ne levait pas ses restrictions sur l’aide humanitaire.
« Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement Netanyahou poursuit ces actions odieuses », ont déclaré les trois dirigeants, tout en appelant à un cessez-le-feu et au retour des otages encore détenus par le Hamas depuis son attaque contre Israël le 7 octobre 2023.
« Nous sommes déterminés à reconnaître un État palestinien comme contribution à la réalisation d’une solution à deux États et sommes prêts à collaborer avec d’autres à cette fin », ont-ils ajouté.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou, a vivement critiqué cette décision dans un message publié sur X : « En demandant à Israël de mettre fin à une guerre défensive pour notre survie avant que les terroristes du Hamas à notre frontière ne soient détruits, et en exigeant un État palestinien, les dirigeants de Londres, Ottawa et Paris offrent une récompense colossale pour l’attaque génocidaire contre Israël du 7 octobre, tout en incitant à de nouvelles atrocités de ce type. »
Le chef de la diplomatie britannique, David Lammy, a ensuite annoncé mardi la suspension des négociations avec Israël sur un accord de libre-échange et la convocation de l’ambassadeur israélien par le gouvernement du Royaume-Uni concernant le blocus « cruel » de l’aide humanitaire.
Dans une déclaration conjointe distincte publiée lundi, les ministres des Affaires étrangères de plus de 20 pays, dont le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la Slovénie, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, ont exhorté Israël à rouvrir complètement l’accès de l’aide humanitaire à la bande de Gaza.
« Bien que nous reconnaissions des signes d’une reprise limitée, Israël a bloqué l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza pendant plus de deux mois. Les réserves de nourriture, de médicaments et de fournitures essentielles sont épuisées. La population est menacée de famine. Les habitants de Gaza doivent recevoir l’aide dont ils ont désespérément besoin », indique le communiqué.
Les ministres ont formulé deux demandes claires : « Autoriser une reprise complète de l’aide à Gaza immédiatement et permettre à l’ONU et aux organisations humanitaires de travailler de manière indépendante et impartiale pour sauver des vies, réduire les souffrances et préserver la dignité des gens. »
Les Vingt-Sept restent divisés
Vendredi dernier, l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg, Malte, la Norvège, la Slovénie et l’Espagne ont exprimé leur inquiétude dans une déclaration commune concernant le projet d’Israël d’étendre son offensive à Gaza et d’occuper le territoire palestinien. Les Premiers ministres de ces pays ont également réaffirmé, entre autres, leur engagement en faveur d’une solution à deux États.
Des manifestations ont également accru la pression sur les gouvernements.
Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à La Haye pour protester contre la politique du gouvernement néerlandais. De nombreux manifestants se sont habillés en rouge à la demande des organisateurs, Oxfam Novib, qui souhaitaient tracer symboliquement une ligne rouge pour Gaza.
Les participants ont exhorté le gouvernement à prendre des mesures contre Israël, arguant qu’il commet un « génocide » à Gaza.
Les organisateurs ont déclaré que plus de 100 000 personnes y ont participé, revendiquant la plus grande manifestation du pays depuis 20 ans. La police n’a pas fourni d’estimation.
Des parlementaires italiens ont manifesté dimanche devant le poste-frontière de Rafah, entre l’Égypte et Gaza, pour réclamer l’accès de l’aide humanitaire et la fin de la guerre dans le territoire palestinien dévasté. « L’Europe ne fait pas assez, elle ne fait rien pour arrêter le massacre », a déclaré à l’AFP Cecilia Strada, députée européenne.
Le groupe – composé de 11 députés italiens, de trois eurodéputés et de représentants d’ONG – brandissait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez le génocide maintenant », « Mettez fin à l’occupation illégale » et « Arrêtez d’armer Israël ».
« Il devrait y avoir un embargo total sur les armes à destination et en provenance d’Israël et un arrêt du commerce avec les colonies illégales », a avancé Strada.
Le gouvernement de Rome a réitéré samedi ses appels à Israël pour qu’il cesse d’attaquer Gaza, le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani déclarant : « Arrêtez les attaques. »
« Nous ne voulons plus voir le peuple palestinien souffrir », a insisté Tajani.
La semaine dernière, en Belgique, des universités ont appelé l’UE à suspendre son accord d’association avec Israël. « Le maintien du traité est perçu comme une légitimation d’un gouvernement qui commet des violations généralisées des droits humains et empêche même l’aide humanitaire d’atteindre la population palestinienne. Cela est en aucun cas compatible avec les valeurs européennes fondamentales », ont-elles déclaré.
Le soutien officiel à Israël reste fort dans plusieurs autres pays membres de l’UE
Le Parlement de Budapest a approuvé mardi un projet de loi visant au retrait de la Hongrie de la Cour pénale internationale. Il a rejeté le mandat d’arrêt émis par la CPI contre Netanyahou et le Premier ministre Viktor Orbán a déclaré plus tôt cette année, lors de la visite de son homologue israélien, que la Cour « avait été réduite au rang d’instrument politique ».
La Tchéquie est également opposée à une révision de l’accord UE-Israël. « Je pense que si nous avons des réserves, nous devrions les communiquer directement à Israël et nous pourrions, par exemple, convoquer le Conseil d’association et en discuter », a soutenu mardi le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavský.
Selon lui, Prague est favorable à l’aide humanitaire à Gaza. Mais, a -t-il a ajouté, « nous devons organiser cette aide de manière à ce qu’elle ne puisse pas alimenter le Hamas, une organisation terroriste qui poursuit constamment ses attaques contre Israël ».
L’Allemagne entretient elle aussi de bonnes relations avec Israël. Lors d’un déplacement la semaine dernière pour célébrer les 60 ans de relations diplomatiques entre les deux pays, le président Frank-Walter Steinmeier a réaffirmé ce soutien, mais il a aussi appelé à venir en aide à Gaza.
« Les amis d’Israël, et je compte l’Allemagne parmi ses amis privilégiés, ne sont pas naïfs », a dit Steinmeier. « Ils sont conscients du dilemme que le Hamas crée pour l’armée israélienne en se cachant lâchement derrière des civils tout en continuant à tirer des roquettes sur Israël. »
« Mais je crains aussi que les souffrances endurées par la population de Gaza ne creusent encore davantage les divisions. Et cela m’inquiète, comme beaucoup d’autres amis d’Israël. »
Cet article est publié deux fois par semaine. Son contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR.