En 2018, la Bulgarie a signalé les premiers cas de PPR enregistrés dans l’UE, une maladie virale très contagieuse affectant les petits ruminants comme les ovins et les caprins. Les échantillons ont été prélevés par les autorités bulgares, mais les résultats ont été confirmés par un laboratoire du CIRAD, l'agence publique française pour la recherche agronomique et la coopération internationale. Lors de l'épidémie, les propriétaires d'ovins et de caprins des régions touchées ont dû faire abattre leurs animaux. La situation a provoqué des troubles dans l’opinion publique.
 
« Mariya Gabriel est l'épouse du citoyen français François Gabriel, qui était PDG d'une société appelée CIRAD. Son laboratoire de biologie était chargé de tester des échantillons pour détecter une peste affectant les animaux domestiques dans l'est de la Bulgarie », commence un long message sur Facebook. Depuis le 29 août 2023, il a été partagé plus de 9 400 fois.
 
Les mêmes affirmations dénonçant une prétendue « euro-mafia » ont circulé dès mai 2023 (ici, ici) et ont également été partagées par des centaines d’utilisateurs. À l’époque, Mariya Gabriel était commissaire européenne et avait été désignée par son parti comme candidate au poste de Premier ministre bulgare. Elle est ensuite devenue vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères.
Des allégations concernant son éventuel lien avec le laboratoire en question sont apparues au moment de l'épidémie à l'été 2018 (par exemple ici ou ici).
Cependant, son mari François Gabriel – l’actuel chef de cabinet adjoint du président du Parlement européen – n’a jamais été patron du Cirad.

Capture d’écran d’un poste sur Facebook contenant des fausses information, réalisée le 20 septembre 2023


François Gabriel n’a jamais été chef du Cirad

Selon son site internet, « le Cirad est l'organisme français de recherche et de coopération agricole œuvrant pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes » et compte 1.650 collaborateurs dont 800 chercheurs. Il comprend trois départements scientifiques et 29 unités de recherche. Elisabeth Claverie de Saint Martin a été nommée sa directrice générale en juin 2021. Elle a succédé à Michel Eddi, qui occupait ce poste depuis 2013, selon une page archivée du site du Cirad. M. Eddi était donc à sa tête lors de l’épidémie de PPR en 2018.
 
"Le Cirad ne connaît pas M. Gabriel", a déclaré à l'AFP Sophie Della Mussia, responsable des relations publiques de l'institution, le 15 septembre 2023.
Le directeur général du Cirad est nommé en conseil des ministres. Le décret présidentiel est ensuite publié au Journal Officiel. Une recherche par mot-clé conduite par l'AFP sur le site du JO a révélé toute l'histoire de la gestion du Cirad depuis 1990 et Gabriel ne figurait pas parmi les personnes mentionnées.
 
Une recherche par mots clés sur le site Internet du Cirad et ses rapports d’activité 2018 et 2022 n’a également donné aucun résultat.
 
"Je tiens à vous confirmer que je n'ai, à aucun moment, occupé un quelconque poste au Cirad, une entité que je ne connais même pas", a déclaré François Gabriel à l'AFP dans un courriel du 14 septembre 2023. Il a ajouté que ses " diverses responsabilités au Parlement européen sont exclusives et incompatibles avec de tels emplois supposés ».
 
Concernant le foyer de PPR, Gabriel a répondu qu'il avait été « conseiller diplomatique au cabinet du président du Parlement européen en 2018 » et qu'il « n'avait évidemment aucun rapport avec le sujet de la peste des petits ruminants ».
 
Selon le site Internet du Parlement européen, Gabriel fait désormais partie du cabinet de la présidente Roberta Metsola. Il est chef de cabinet adjoint pour la dimension extérieure.
 
En février 2017, les médias français ont rapporté que Gabriel avait été nommé au cabinet du président du PE de l'époque, Antonio Tajani, avec une spécialisation dans les affaires étrangères. Gabriel figure en effet parmi les membres du cabinet de Tajani sur le site du PE, qui citait « l'observation des élections » et les « relations avec la ville de Strasbourg » comme deux de ses spécialités. La photo utilisée dans la fausse publication sur Facebook est la même que celle de Gabriel sur la page du PE.
 
Avant cela, il a travaillé pour Joseph Daul, ancien président du Groupe PPE au Parlement européen, et a également servi dans le cabinet du maire de Strasbourg.
 
Mariya Gabriel est une ancienne membre du Parlement européen (2009-2017) et a également servi à la Commission européenne. Elle a été commissaire européenne à l’Economie numérique (2017-2019) puis à l’Innovation (2019-2023).
 

Le Cirad et l’épidémie de PPR

En juin 2016, la Commission européenne a lancé un appel à candidatures pour sélectionner un laboratoire européen de référence pour la PPR (peste des petits ruminants) et en 2017 le Cirad a été désigné comme tel.
 
En juin 2018, les autorités bulgares ont détecté des cas de PPR dans l’est du pays. Ils ont introduit des mesures préventives telles que l'abattage de tous les animaux à risque dans les villages touchés, l'établissement de zones de protection, l'échantillonnage, etc. Les agriculteurs locaux n'étaient pas d'accord avec ces mesures et des protestations ont eu lieu.
 
"Tout retard dans l'abattage des animaux à risque dans les fermes affectées compromettra et retardera l'éradication de la maladie et le rétablissement du statut antérieur exempt de maladie", a expliqué Vytenis Andriukaitis, alors commissaire européen en charge de la Santé et de la Sécurité alimentaire, dans une lettre adressée à un député européen en août 2018.
En septembre 2019, la ministre bulgare de l’Agriculture a présenté au Parlement le rapport officiel du Cirad sur l’épidémie. Selon son discours, « le Cirad a détecté la présence du virus de la peste des petits ruminants dans 24 échantillons sanguins obtenus en juin et juillet 2018 ».
 
"Le Cirad, en tant que laboratoire de référence pour la peste des petits ruminants, a fourni des analyses de confirmation... sur des échantillons de petits ruminants collectés dans les zones de foyers/restrictions en Bulgarie", a déclaré à l'AFP Sophie Della Mussia du Cirad. "Tous les tests effectués dans notre laboratoire sur les échantillons reçus de Bulgarie ont été transmis directement aux autorités compétentes qui ont envoyé ces échantillons à notre laboratoire", a-t-elle ajouté.
Manifestation devant le siège du conseil des ministres contre l’abattage massif de moutons et de chèvres, le 18 juillet 2018. (Photo AFP / Nikolay DOYCHINOV)

Jusqu’à 4 000 animaux abattus

Le message affirme que « des dizaines de milliers d’animaux domestiques ont été tués », mais cela est également trompeur.
 
Selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé animale sur l’épidémie, 477 chèvres et 2 506 moutons ont été tués pour empêcher la propagation de la maladie. En octobre 2018, Roumen Porojanov, alors ministre de l'Agriculture, a déclaré pour sa part au Parlement que 3 857 animaux avaient été abattus.
 
En janvier 2019, les autorités bulgares ont annoncé qu'elles allaient assouplir certaines mesures concernant la PPR. Le dernier bulletin de veille sanitaire internationale de la Plateforme ESA — la plateforme française d'épidémiosurveillance en santé animale — date d'octobre 2018.
 
Les statistiques officielles du ministère de l'Agriculture montrent une augmentation de la population de chèvres et de moutons au cours de cette période. En novembre 2017, la Bulgarie comptait environ 1 316 000 moutons et 257 000 chèvres. Un an plus tard, on comptait 1 350 000 moutons et 271 000 chèvres.
 
Les propriétaires des animaux abattus ont reçu une compensation financière de l'État.



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