Le prochain sommet de l’OTAN s’ouvre mardi à La Haye, avec un nouvel objectif de dépenses liées à la sécurité, fixé à 5 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2032.
Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Mark Rutte, proposera l’objectif de 3,5 % du PIB pour les dépenses militaires de base et de 1,5 % pour les investissements liés à la défense et à la sécurité, comme les infrastructures et l’industrie. Le niveau actuellement attendu de chaque membre est de 2 % de son Produit Intérieur Brut.
Alors que de nombreux pays européens augmentent leurs budgets militaires, tous ne sont pas favorables à une hausse aussi importante, malgré une forte montée des conflits armés à l’échelle mondiale.
L’année dernière a été marquée par le plus grand nombre d’affrontements armés impliquant des gouvernements ou des forces officielles depuis plus de sept décennies, selon un rapport de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO).
« Il ne s’agit pas seulement d’une hausse, mais d’un changement structurel. Le monde d’aujourd’hui est bien plus violent et bien plus fragmenté qu’il y a dix ans », observe Siri Aas Rustad, directrice de recherche du PRIO et principale auteure du rapport.
Selon le rapport, environ 129 000 personnes ont été tuées dans des violences liées aux combats en 2024, la majorité dans l’invasion russe de l’Ukraine (76 000) et la guerre à Gaza (26 000).
C’est dans ce contexte, face à l’escalade des hostilités entre l’Iran et Israël et aux exigences du président américain Donald Trump pour que les pays européens investissent davantage dans la défense, que se tiendra le sommet de l’OTAN la semaine prochaine.
Allemagne : la montée des menaces justifie une hausse des budgets
Le ministre des Finances Lars Klingbeil s’est dit prêt à porter les dépenses de défense du pays à 3,5 % du PIB dans les années à venir.
« Le monde a continué d’évoluer ces trois ou quatre dernières années et ma priorité absolue est d’assurer la sécurité des populations », a déclaré le ministre lundi. « Des investissements supplémentaires sont désormais nécessaires pour y parvenir », a-t-il ajouté. « Si cela signifie 3 %, nous ferons 3 % ; si cela signifie 3,5 %, alors nous ferons 3,5 %. »
L’Allemagne consacrera initialement 2 % de son PIB à la défense cette année, a précisé Lars Klingbeil, et ce chiffre augmentera. « Je soupçonne que les montants seront nettement plus élevés », a-t-il poursuivi, faisant référence à la réunion de l’OTAN à venir.
Klingbeil, membre du Parti social-démocrate (centre-gauche), a également mis en garde contre la tendance à centrer le débat uniquement sur les prévisions chiffrées.
France : ne vous focalisez pas sur les chiffres
Le président Emmanuel Macron a exprimé le mois dernier sa frustration face aux débats de l’OTAN sur les dépenses de défense, tout en réitérant l’objectif de la France de 3,5 % du PIB « pour les années à venir ».
« L’engagement d’une armée ne se mesure pas à l’argent dépensé, mais aux noms qui sont gravés sur nos monuments aux morts et à celles et ceux qui tombent », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Tirana, en Albanie.
« Je n’aime pas ce débat entre alliés qui ne regardent que les chiffres. Je connais beaucoup de pays dans notre Europe qui ont perdu beaucoup de soldats sur des théâtres d’opérations et qui s’étaient engagés à côté des autres », a-t-il ajouté.
« Et donc, je vous le dis très clairement, l’horizon des 3,5% du produit intérieur brut est un bon horizon pour les années qui viennent, mais il ne se fera pas en six mois, et il doit se faire en ayant de la substance, de la cohérence », a-t-il insisté.
La France consacre actuellement environ 2% de son PIB à des dépenses militaires.
Italie : à bord, mais loin d’être prête
La semaine dernière, les ministres des Affaires étrangères et les diplomates d’Italie, de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Pologne, d’Espagne, d’Ukraine et de l’UE ont rencontré le secrétaire général de l’OTAN. Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, pays hôte de la réunion, dont le pays consacre 1,5 % de son PIB à la défense, s’est dit « très satisfait » du plan de dépenses de Mark Rutte.
« Nous sommes favorables à une augmentation des dépenses consacrées à la sécurité, mais la question qui se pose à nous est celle du timing », a déclaré Tajani. « Nous avons indiqué qu’au moins dix ans étaient nécessaires pour atteindre les nouveaux objectifs. »
Dans une déclaration commune à l’issue de la réunion, les ministres français, allemand, italien, polonais, espagnol, britannique et la cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas, ont proclamé leur engagement.
« Les pays européens doivent jouer un rôle encore plus important pour assurer notre propre sécurité », ont-ils affirmé.
« Le sommet de l’OTAN à La Haye démontrera notre unité, fondée sur un lien transatlantique durable, un engagement indéfectible à se défendre mutuellement et un partage équitable des charges », ont avancé les ministres.
Espagne : contre la proposition
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a informé le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, de l’opposition de son pays au nouvel objectif dans une lettre publiée jeudi.
L’augmentation proposée est « non seulement déraisonnable, mais même contre-productive » pour son pays, affirme-t-il, exprimant son inquiétude quant à son incompatibilité avec le maintien d’un État providence fort.
Par conséquent, déclare-t-il, Madrid ne sera « pas en mesure de s’engager sur un objectif de dépenses spécifique » lors du sommet de l’OTAN. Il demande que cet objectif soit rendu facultatif ou qu’une clause de non-participation espagnole soit prévue.
L’Espagne est l’un des pays de l’OTAN qui investit le moins dans la défense, malgré l’engagement du gouvernement de Sánchez à porter les dépenses militaires à 2 % du PIB d’ici 2025.
S’exprimant avant l’annonce de la lettre du Premier ministre à Rutte, Felix Arteaga, spécialiste de la défense à l’Institut royal Elcano de Madrid, a déclaré que des « raisons politiques internes » déterminent la position du gouvernement de coalition minoritaire de gauche.
Sanchez doit trouver un équilibre entre s’aligner sur les alliés de l’OTAN et convaincre son partenaire d’extrême gauche, le parti Sumar, hostile à l’augmentation des dépenses militaires.
La distance qui sépare la péninsule ibérique de la Russie, bien plus grande que celle des pays d’Europe de l’Est comme la Pologne, « réduit l’inquiétude et l’urgence… nous ne nous sentons pas menacés, nous ne voulons pas entrer dans des conflits armés », a déclaré Arteaga.
« Le gouvernement doit expliquer aux citoyens espagnols la nécessité de faire preuve de solidarité » avec les pays d’Europe du Nord et de l’Est, a-t-il ajouté.
Danemark : transformation rapide sans bruit
Autrefois l’un des pays de l’OTAN dépensant le moins, le Danemark a opéré un redressement rapide. La Première ministre Mette Frederiksen a rappelé que les dépenses de défense ne représentaient que 1,3 % du PIB lors de son entrée en fonction en 2019. Aujourd’hui, Copenhague est en passe de dépasser les 3 % cette année et s’est engagée à atteindre l’objectif de 5 % proposé par Rutte.
Pays-Bas : hôte et approbateur
Le parlement néerlandais est quasiment d’accord sur le respect du nouvel objectif, mais des désaccords subsistent quant à son financement.
Des élections législatives sont prévues en octobre, par suite de la chute de la coalition actuelle provoquée par le retrait du Parti pour la liberté (PVV, extrême droite). Le cabinet intérimaire laissera au futur gouvernement le soin de décider du financement des nouvelles dépenses.
Portugal : à la recherche d’un rattrapage
Le pays, membre fondateur de l’OTAN, a longtemps sous-investi dans la défense par rapport aux autres partenaires. Sa base industrielle est très sous-développée, ses équipements militaires sont vétustes et il connaît un exode de personnel militaire.
Le Premier ministre Luís Montenegro a récemment avancé l’objectif de 2 % des dépenses de défense de 2030 à 2025, sous la pression internationale. Cependant, les responsables portugais admettent qu’atteindre l’objectif de 5 % reste une ambition à long terme.
République tchèque : oui, à fond
La République tchèque fait partie des pays favorables à l’augmentation proposée des dépenses de défense.
Prague a déclaré que la Russie représente la menace directe la plus grave pour la zone euro-atlantique et soutient donc le renforcement de l’industrie de défense.
« En République tchèque, pays entouré d’alliés de l’OTAN, notre rôle est principalement celui d’une voie de transit et d’un soutien en tant que nation hôte. Cela implique d’importants besoins en matière de logistique et de soutien sous toutes ses formes au déplacement des troupes », a déclaré le président Petr Pavel le mois dernier.
« Les dépenses que nous aurions de toute façon dû engager pour améliorer tous les moyens de transport traversant la République tchèque seront comptabilisées dans les 1,5 % (destinés aux investissements non militaires mais liés à la défense). Je ne pense donc pas qu’il sera très difficile d’atteindre ce niveau de dépenses », a-t-il ajouté.
Slovaquie : prudence et réticence
À l’heure où les fabricants d’armes se frottent les mains et où l’Europe parle de guerre, la neutralité serait la meilleure solution pour la Slovaquie, selon le Premier ministre Robert Fico qui a également remis en question l’adhésion de la Slovaquie à l’OTAN.
Il a écrit sur les réseaux sociaux que le pays doit être un fervent défenseur de la paix et ne doit participer à aucune aventure militaire. « Malheureusement, une nouvelle guerre mondiale est imminente. L’OTAN est comme un club de golf. Pour jouer, il faut payer une cotisation. Les États-Unis ont décidé de la porter à 5 % du PIB. Bien que cela soit irrationnel à l’heure de l’assainissement budgétaire et de la mise en place d’un État-providence, c’est aussi la réalité à laquelle nous sommes confrontés », a-t-il déclaré.
Le président Peter Pellegrini, allié de Fico, a pour une fois pris ses distances avec lui, le qualifiant d’« expert dans l’encombrement de l’espace public avec un sujet que nous allons tous discuter pendant 20 jours sans résultat ».
Il a promis que la République slovaque ne compromettrait pas l’unité de l’OTAN au sommet de La Haye.
Macédoine du Nord : engagement solide
Le budget de la défense pour 2025 s’élève à 329 millions d’euros, soit plus de 2,5 % du PIB, dont un tiers (106 millions d’euros) est consacré à la modernisation et à l’équipement.
Le ministre de la Défense, Vlado Misailovski, a déclaré que de nombreux pays de l’OTAN avaient déjà commencé à planifier comment atteindre 3,5 % du PIB consacré à la défense au cours des dix prochaines années. « Nous y travaillerons également, en améliorant tous nos documents, en collaboration avec toutes les institutions, afin qu’au fil du temps, le budget de l’État augmente progressivement, ce qui est essentiel pour garantir un budget plus important au ministère de la Défense », a dit Misajlovski à l’agence MIA.
Slovénie : augmentation progressive
Le Parlement a récemment confirmé un plan visant à porter les dépenses de défense à 2 % du PIB cette année, avec une hausse progressive jusqu’à 3 % d’ici 2030.
Ceci malgré l’appel du parti La Gauche, membre minoritaire de la coalition au pouvoir, à un référendum consultatif sur cette augmentation. L’Assemblée nationale slovène se prononcera le mois prochain sur la suite à donner à cet appel.
Un sondage réalisé pour le journal Dnevnik par l’agence Ninamedia et publié le 16 juin montre que la majorité des Slovènes (53 %) soutiennent l’objectif du gouvernement d’atteindre 2 % cette année.
L’opinion publique est toutefois plus divisée sur la suite : 49 % des personnes interrogées s’opposent à la proposition d’arriver à 3 % d’ici 2030.
Selon les dernières estimations de l’OTAN, le pays a consacré 1,37 % de son PIB à la défense l’année dernière.
Concernant le nouvel objectif de 5 %, la Slovénie fait partie des États membres qui préconisent un délai plus long pour l’atteindre, soit 2035.
Croatie : de 2 % à 3 % d’ici 2030
Ayant récemment atteint l’objectif de 2 %, le gouvernement vise à consacrer 3 % du PIB à la défense d’ici 2030. Le Premier ministre Andrej Plenković a souligné que la Croatie avait augmenté ces dépenses de plus de 200 % depuis 2016.
Suède : soutien clair et uni
Les huit partis représentés au parlement sont d’accord sur un soutien unanime à la défense. 300 milliards de couronnes suédoises, soit environ 27 milliards d’euros, seront consacrés à la réalisation des nouveaux objectifs de l’OTAN.
« Nous protégerons notre pays et renforcerons nos capacités de défense avec d’autres. Au fond, il est primordial que nos petits-enfants et nos enfants ne soient pas obligés d’apprendre le russe », a déclaré la ministre des Finances, Elisabeth Svantesson, lors d’une conférence de presse à Stockholm jeudi.
Le réarmement sera financé par des emprunts.
La Suède a déjà considérablement renforcé ses capacités de défense ces deux dernières années, doublant ses dépenses depuis le milieu des années 2010.
Bulgarie : prête à dépenser davantage
Les dépenses de défense ont atteint l’objectif de 2 % du PIB en 2024. Cependant, le ministre de la Défense, Atanas Zapryanov, a souligné que les ressources actuelles du secteur sont insuffisantes non seulement pour le réarmement et la modernisation, mais aussi pour résoudre le problème des taux élevés de vacances de postes dans l’armée.
Le gouvernement vise désormais à augmenter les dépenses militaires à au moins 2,5 à 3 %, avec pour objectif d’atteindre 3,5 % d’ici 2032 comme niveau minimum pour réussir les efforts de modernisation.
En mai, la Bulgarie figurait parmi les 16 États membres de l’UE qui ont demandé à être autorisés à déroger temporairement aux règles de stabilité budgétaire afin de consacrer davantage de ressources à ce secteur.
Cet article est publié deux fois par semaine. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR
