« La température de la Terre n’a pas augmenté depuis 15 ans« , ce que « les meilleurs climatologues disent qu’ils ont reçu l’ordre de ‘dissimuler’« , prétendent des articles de blogs (12345), des messages (12) publiés sur X (ex-Twitter) et sur Facebook en français et en anglais (1234) collectant plusieurs milliers de partages depuis la mi-juillet.

Certaines de ces publications renvoient vers un article publié en 2013 par le quotidien britannique Daily Mail, ou diffusent une capture d’écran de son titre.

Capture d’écran prise le 31/07/2023 sur X, nouveau nom de Twitter
Capture d’écran prise le 31/07/2023 sur le site « Réseau international »

Ces messages ont été partagés alors que juillet 2023 a largement battu le record du mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre, avec 0,33°C de plus que le mois qui détenait jusqu’à présent ce titre (juillet 2019), selon un bulletin du service européen Copernicus publié ce mardi 8 août 203, après un mois de juin déjà record, selon des données de Copernicus et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies (liens archivés ici et ici).

Les publications diffusées sur les réseaux sociaux sont trompeuses : si le rythme du réchauffement de la température à la surface de la Terre a pu sembler moins important entre 1998 et 2012, cela s’explique par des paramètres liés à la variabilité interne du climat, dont un événement El Niño important ayant mené à des températures particulièrement élevées en 1998, ont rappelé des spécialistes du climat à l’AFP.

Depuis, les données analysées par les climatologues continuent de montrer que le réchauffement causé par les activités humaines s’est encore accéléré, et l’ancien record de température à la surface de la Terre de l’année 1998 a été battu a plusieurs reprises.

Par ailleurs, ce « hiatus » du réchauffement après 1998 n’a pas été « dissimulé« , puisqu’il était déjà mentionné dans le rapport publié en 2014 par le Groupement international d’experts sur le climat (GIEC), référence en matière de connaissances sur le climat, comme l’ont souligné auprès de l’AFP quatre spécialistes, dont certains ont participé à la rédaction de ce rapport et du suivant, qui l’aborde également.

Un article de 2013 au titre déjà trompeur à l’époque

L’article du Daily Mail mentionné dans les publications, publié en septembre 2013, prétend notamment que l’agence de presse américaine AP (Associated Press) aurait « révélé » à partir d’une « fuite de documents des Nations unies » qu’il aurait été demandé à des scientifiques de « dissimuler » des informations sur le climat dans leur rapport à venir.

Mais la dépêche (archivée ici) publiée par AP à l’époque ne mentionne pas exactement cela. Elle indique plutôt que des questionnements ont émergé sur la façon de présenter au grand public le fait que la température de la surface de la Terre ait augmenté plus lentement entre 1998 et 2012, qui s’explique par des phénomènes physiques connus, précisément dans le but d’éviter de « donner des munitions aux climato-sceptiques« .

« Les scientifiques qui travaillent à l’élaboration d’un rapport historique des Nations unies sur le changement climatique s’interrogent sur la manière d’aborder une particularité dans les données météorologiques, qui a donné des munitions aux climato-sceptiques : le réchauffement de la surface de la Terre semble s’être ralenti au cours des 15 dernières années, alors même que les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter« , indique le premier paragraphe de la dépêche.

Il y est ensuite ajouté que « les scientifiques et les statisticiens ont qualifié ce prétendu ralentissement de mirage statistique, expliquant notamment qu’il reflète des fluctuations climatiques aléatoires ; et qu’une une année exceptionnellement chaude a été choisie comme point de départ pour le relevé des températures. Ils ajoutent que les données suggèrent que la chaleur ‘manquante’ est en réalité stockée – temporairement – dans l’océan« .

Capture d’écran d’une dépêche publiée par AP, prise le 31/07/2023

« Dans une version qui a fuité en juin du résumé du rapport à l’intention des décideurs, le GIEC indique que, bien que le rythme du réchauffement entre 1998 et 2012 ait été inférieur de moitié au taux moyen enregistré depuis 1951, la planète continue de se réchauffer. Pour expliquer ce ralentissement apparent, le GIEC mentionne la variabilité naturelle du système climatique, ainsi que des effets de refroidissement dus aux éruptions volcaniques et à la phase descendante de l’activité solaire« , peut-on ensuite y lire.

Il n’est nulle part indiqué qu’on aurait demandé à des scientifiques de « dissimuler » ces informations. Ce qui est mentionné en revanche, c’est que « plusieurs gouvernements » ayant eu accès à la première version du rapport ont soulevé des questions quant à la pertinence d’y aborder le sujet du ralentissement de l’augmentation de la température à la surface, qui pourrait donner des « munitions » aux climato-sceptiques, bien qu’il s’explique par ailleurs par des phénomènes physiques connus, qui sont d’ailleurs ensuite détaillés dans la dépêche d’AP.

Capture d’écran d’une dépêche publiée par AP, prise le 28/07/2023

Une note destinée aux membres du GIEC en 2016 (archivée ici), revenant sur les facteurs augmentant la méfiance quant aux questions climatiques et la désinformation autour du climat, mentionne par ailleurs cet article du Daily Mail comme étant l’un principaux vecteurs de méfiance face aux conclusions du GIEC sur l’origine humaine du dérèglement climatique.

Un « hiatus » abordé et expliqué par le GIEC dès 2014

Créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le GIEC réunit des milliers de spécialistes des sciences de l’atmosphère, des océanographes, des glaciologues, des économistes… ; et a reçu le prix Nobel de la Paix en 2007 (lien archivé).

Il est divisé en trois groupes d’experts, nommés par les différents gouvernements et organisations internationales : le premier étudie les preuves scientifiques du réchauffement, le deuxième ses impacts et le troisième présente les solutions envisageables pour l’atténuer.

Depuis 1990, les scientifiques du GIEC ont publié six rapports résumant les connaissances sur le climat. Ces dernières ont évolué au fil des recherches, tout comme les conclusions des experts.

En 1990, les spécialistes restaient prudents en concluant qu’il n’était pas possible d’affirmer que les activités humaines étaient responsables du réchauffement climatique. C’est en 2007 qu’il ont considéré comme « très probable » que ce soit le cas ; puis « extrêmement probable » à partir de 2013.

Dans le premier volet du dernier rapport en date, publié en août 2021 (et archivé ici), les experts du GIEC ont conclu qu’il est « sans équivoque que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres« .

Capture d’écran du premier volet du sixième rapport du GIEC, prise le 31/07/2023

Dans le précédent rapport du GIEC (archivé ici), publié quelques mois après la parution de l’article du Daily Mail, les scientifiques concluaient déjà que « l’influence de l’Homme sur le système climatique est clairement établie« , et que « le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, et le niveau des mers s’est élevé« .

Un peu plus loin dans ce même rapport (archivé ici), il est clairement écrit que « chacune des trois dernières décennies a été successivement plus chaude à la surface de la Terre que toutes les décennies précédentes depuis 1850. Les années 1983 à 2012 constituent probablement la période de 30 ans la plus chaude qu’ait connue l’hémisphère nord depuis 1.400 ans« .

Il est aussi précisé que « la température moyenne à la surface du globe présente une grande variabilité aux échelles décennale et interannuelle, qui se superpose à un réchauffement multidécennal considérable. En raison de cette variabilité naturelle, les tendances calculées sur des séries courtes sont très sensibles à la date de début et de fin de la période considérée, et ne reflètent généralement pas les tendances climatiques de long terme. Par exemple, le rythme du réchauffement sur les 15 dernières années (1998−2012; 0,05 [−0,05 à +0,15] °C par décennie), qui débutent par un fort épisode El Niño, est inférieur à la tendance calculée depuis 1951 (1951−2012; 0,12 [0,08 à 0,14] °C par décennie)« .

Un ralentissement temporaire du réchauffement

S’il « n’y a pas eu d’arrêt du réchauffement » contrairement à ce qu’assurent certaines publications sur les réseaux sociaux, « de 1998 à 2012, le réchauffement de la température mesuré à la surface de la Terre semblait inférieur à la moyenne estimée de 1951 à 2012« , rappelle Hervé Douvillechercheur Météo-France au Centre National de Recherches Météorologiques, le 28 juillet à l’AFP.

« En 2013, à l’intérieur du GIEC, il y avait des vraies discussions là-dessus« , ajoute François-Marie Bréonchercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) et président de l’Association française pour l’information scientifique (Afis), qui avait participé à la rédaction du cinquième rapport du GIEC dont il est question, auprès de l’AFP le 28 juillet.

Mais pour lui, il est « complètement faux » d’affirmer que que ce ralentissement aurait été « dissimulé« , précisément puisqu’il est abordé dans le rapport. Il assure n’avoir jamais été témoin de demandes de dissimulation de ce ralentissement lors de la rédaction du rapport, et ajoute que « la littérature scientifique sur ce sujet-là est abondante : dès 2013, plein de chercheurs publiaient leurs interprétations« .

« Le GIEC avait à l’époque fait preuve de transparence et à la fois de prudence sur ce sujet« , abonde aussi Hervé Douville, estimant que « c’était logique que ça soulève un questionnement, et des hypothèses avaient été émises, mais avec des niveaux de confiance assez limités. Il n’y avait, me semble-t-il, pas eu de dissimulation à ce sujet« .

« Depuis, les scientifiques se sont beaucoup penchés sur ces questions » et « on s’est aperçus qu’il y avait probablement plusieurs causes » à cet apparent ralentissement, développe-t-il.

Un phénomène El Niño marquant en 1998

Le climat varie selon des phénomènes physiques naturels (ce qui ne remet pas en cause le fait que les émissions humaines de CO2 modifient elles aussi le climat à un rythme particulièrement rapide, comme détaillé dans cet article de vérification de l’AFP).

« Pour étudier le climat, on tient compte de cette variabilité interannuelle (les changements d’une année sur l’autre). Et le fait qu’on puisse dire que le réchauffement est attribué à l’activité humaine vient de la prise en compte de toutes ces incertitudes liées à cette grande variabilité« , développe Pascale Braconnotchercheuse CEA au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et vice-présidente du Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC), le 1er août à l’AFP.

Or, « beaucoup d’études ont confirmé que la variabilité interne du climat – liée notamment à des phénomènes dans le Pacifique tropical, qui est le siège des phénomènes El Niño, qui induisent des températures plus élevées à la surface, et son pendant La Niña – pouvait expliquer ce genre de pause » dans le réchauffement, détaille Hervé Douville.

Graphique expliquant El Niño et La Niña, des phénomènes climatiques opposés dans l’océan Pacifique qui peuvent avoir un impact significatif sur la météo, les feux de forêt, les écosystèmes et les économies du monde entier ( AFP / Gal ROMA, Sophie RAMIS)

« Et le fait est que le dernier événement majeur El Niño avant le cinquième rapport du GIEC avait eu lieu en 1997-98« , rappelle-t-il.

C’est pourquoi « quand on partait de 1998, on partait d’une année anormalement chaude du fait de cette activité dans le Pacifique tropical, et on terminait sur une année ‘normale’, ou en tous cas pas du tout El Niño. Donc, on faussait la tendance de long terme simplement en choisissant une période trop courte pour estimer des tendances climatiques de long terme« , détaille-t-il encore.

« Ce que l’on prend nous pour étudier le changement climatique, ce sont des moyennes longues, sur au moins une vingtaine ou une trentaine d’années. Partir d’une année particulièrement chaude, ça fait perdre de vue la perspective à très long terme« , ajoute Pascale Braconnot.

« C’est fallacieux de prendre des années particulières« , confirme Christophe Cassoudirecteur de recherches au CNRS au CERFACS, qui a par ailleurs coordonné la rédaction de la partie du sixième rapport du GIEC sur la prise en compte de la variabilité interannuelle et décennale dans l’explication de l’évolution du rythme du réchauffement.

« Et si on reprend ce raisonnement fallacieux, on pourrait aussi très bien à l’inverse commencer avec l’année 2012, et là on observerait une forte augmentation du rythme du réchauffement à la surface de la Terre, mais ça n’a pas de sens« , illustre-t-il, rappelant que les « dix dernières années les plus chaudes sont les dix dernières années« .

Évolution de l’Oceanic Nino Index sur les anomalies de température des océans dans l’océan Pacifique centre-est depuis 1950 ( AFP / Jonathan WALTER, Paz PIZARRO)

Comme détaillé dans cet article de vérification de mars, le phénomène de refroidissement à court terme lié à La Niña ne peut par ailleurs pas compenser entièrement les effets du réchauffement climatique d’origine humaine, observables à plus long terme.

Si les effets du dérèglement du climat causé par l’Homme sur les phénomènes El Niño et La Niña ne sont à ce jour pas évalués avec certitudes, certaines données tendent néanmoins à montrer que les épisodes La Niña sont eux-mêmes de plus en plus chauds.

L’observatoire européen Copernicus (page archivée ici), qui collecte et reconstitue des données sur le climat, permet notamment de visualiser les anomalies de températures par rapport à des moyennes de 30 ans, et permet clairement d’observer une tendance au réchauffement de la température de la Terre : les températures supérieures à la moyenne sont bien plus fréquentes ces dernières années.

Capture d’écran du site de Copernicus,prise le 01/08/2023

Depuis 2013, « il y a plutôt une tendance à une accélération » du rythme du réchauffement, résume aussi François-Marie Bréon.

D’autres causes de variabilité interannuelle et décennale

En plus du phénomène El Niño« le Pacifique est sujet à des variations naturelles plus lentes : on appelle ça la PDV pour ‘Pacific Decadal Variability’, plutôt à l’échelle décennale« , ajoute Hervé Douville.

« On était après 1998 dans une phase plutôt froide du Pacifique tropical de manière générale, ce qui pouvait contribuer à expliquer que le réchauffement d’origine anthropique était en partie inhibé par la variabilité interne du système climatique« , élabore-t-il.

Outre cela, les estimations des forçages radiatifs (les changements dans le bilan énergétique de la Terre, lorsque des paramètres sont modifiés), ont pu omettre ou sous-estimer certains paramètres, qui sont depuis mieux considérés.

« Les scientifiques ont montré depuis longtemps qu’après une forte éruption volcanique, on pouvait pendant, une, deux, voire trois années, avoir un léger refroidissement du système climatique. (…) Mais en fait de 1998 à 2012, il y a eu une succession de petites éruptions, qu’on avait négligées dans nos simulations climatiques parce que les forçages qu’on utilisait n’étaient pas forcément à jour sur ces éruptions les plus récentes. Donc rétrospectivement, on considère que ces éruptions ont pu aussi limiter le réchauffement sur la période« , développe-t-il.

Des estimations avec des données plus précises ont depuis 2013 réévalué le réchauffement à la hausse par rapport à ce qui avait été présenté dans le cinquième rapport du GIEC, selon le chercheur.

« On s’est rendu compte que le réchauffement était malgré tout plus fort que ce qu’on avait estimé à l’époque, où on manquait un petit peu d’observations aux pôles, notamment dans la région arctique. Comme c’est une région qui se réchauffe plus que la moyenne du globe, quand on ne l’échantillonne pas bien, on sous-estime le réchauffement global. Aujourd’hui, on a des estimations nouvelles avec des meilleurs observations qui montrent que même à l’époque, le réchauffement était plus fort que ce qu’on avait estimé« , détaille Hervé Douville.

Pour Christophe Cassou, « ce ralentissement du réchauffement a mis un petit coup de projecteur sur des phénomènes qui étaient déjà bien connus, que la modélisation climatique prenait déjà en compte dès les troisième et quatrième rapports, mais dont la place n’était peut-être pas assez prépondérante« .

L’étude de cette période a ainsi permis aux climatologues de préciser leurs modèles et de mieux prendre en compte ces phénomènes dans des nouvelles estimations, qui ont été détaillées dans un encart dédié figurant dans le troisième chapitre du sixième (et plus récent) rapport du GIEC (archivé ici), dont la rédaction a été coordonnée par Christophe Cassou.

Cet encart conclut, « grâce à la mise à jour des ensembles de données et du forçage du GMST basés sur les observations, à l’amélioration des méthodes d’analyse, à de nouvelles preuves de modélisation et à une compréhension plus approfondie des mécanismes« , qu’il est très probable que le « ralentissement » de la « période 1998-2012 était un événement temporaire induit par une variabilité interne et naturelle, qui a partiellement compensé la tendance au réchauffement anthropique« .

« Néanmoins, le réchauffement du système climatique s’est poursuivi au cours de cette période, comme en témoignent les éléments suivants : le réchauffement continu de l’océan mondial et l’augmentation continue des températures extrêmes sur les terres. Compte tenu de toutes les sources d’incertitudes, il est impossible d’identifier de manière certaine une cause unique du ralentissement du début des années 2000, mais il convient plutôt de l’interpréter comme étant dû à une combinaison de plusieurs facteurs« , peut-on lire dans le rapport du GIEC.

Capture d’écran du sixième rapport du GIEC, prise le 02/08/2023

Les océans, interfaces accumulant de la chaleur

Par ailleurs, si l’augmentation de la température à la surface de la Terre a pu sembler ralentir au début des années 2000, les océans, qui fonctionnent comme des interfaces d’échange d’énergie avec l’atmosphère, ont quant à eux continué à accumuler de la chaleur, selon les climatologues interrogés par l’AFP.

« Pour regarder vraiment l’influence humaine, il faut prendre le système Terre dans son ensemble : c’est-à-dire océans et atmosphère. Quand on regarde le contenu de chaleur dans le système climatique qui est essentiellement piloté par l’océan, on voit qu’il y a une augmentation graduelle du contenu de chaleur dans l’océan, qui correspond à l’augmentation graduelle du forçage ou des effets de serre dans l’atmosphère« , illustre Christophe Cassou.

« La chaleur a été davantage stockée dans l’océan profond. Donc en surface océanique, la température était moins élevée parce que la chaleur était en bas. On a des moments où ça s’inverse, où on a plutôt des états océaniques qui tendent à réchauffer la température de surface, qui correspondent aux événements El Niño« , développe-t-il.

C’est pourquoi considérer uniquement les températures à la surface sur une courte période ne permet pas d’exclure la variabilité interne au système climatique, dont font partie les événements El Niño par exemple.

« On sait qu’on a des années exceptionnelles, et en particulier quand le phénomène El Niño se développe dans l’océan Pacifique. En fait, au niveau de l’énergétique de la planète ça revient à déstocker de la chaleur de l’océan, et la redonner à l’atmosphère. Donc ces années-là, en général, sont des années plus chaudes, avec une amplitude variable« , illustre aussi Pascale Braconnot.

Avec le dérèglement climatique, un rapport publié en 2021 par ONU Climat (archivé ici) indiquait que « l’océan a absorbé environ 90% de la chaleur générée par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre piégées dans le système terrestre et a absorbé 30% des émissions de carbone« .

Fin juillet, après la mer Méditerranée, l’océan Atlantique Nord a aussi battu un record journalier de température, avec plusieurs semaines d’avance sur son pic de chaleur habituel, selon des données préliminaires, emblématiques des vagues de chaleur marine frappant actuellement la planète, comme mentionné dans cette dépêche de l’AFP (archivée ici).

Les eaux de l’Atlantique Nord avaient atteint le 26 juillet une température moyenne encore jamais mesurée jusqu’ici, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), dont les relevés ont commencé au début des années 1980.

L’observatoire européen Copernicus, qui utilise une base de données différente de celle de NOAA, avait lui déclaré à l’AFP avoir enregistré une température de 24,70°C pour le 26 juillet, ce qui restait « en dessous du record de septembre 2022 » établi à 24,81°C dans sa base de données ERA5, qui remonte jusqu’en 1979, a déclaré un porte-parole de Copernicus.

Mais « il n’y a plus guère de doute sur le fait que le record de début septembre 2022 sera battu cet été« , avait-il ajouté.

Des affirmations trompeuses anciennes

Si elles réémergent cette année, ces affirmations trompeuses sur le réchauffement qui se serait arrêté en 1998 circulent – et ont été vérifiées – régulièrement sur les réseaux sociaux depuis le début des années 2010. Le site Skeptical Science, qui vulgarise et vérifie des informations sur le climat, y a dédié un article détaillé (archivé ici).

L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a également consacré une page d’explications à ce sujet en 2018 (archivée ici).

Le chercheur Robert Rohde, qui travaille à l’étude de données liées à la température de la Terre dans l’université américaine de Berkeley, avait publié en janvier 2023 sur X (alors encore nommé Twitter) un « escalier du déni climatique« , fondé sur un graphique semblable publié sur le site de Skeptical Science (archivé ici), et montrant comment des données peuvent être extrapolées de façon malhonnête pour tirer des conclusions erronées sur le réchauffement climatique.

L’AFP avait déjà vérifié d’autres interprétations trompeuses de données de températures prenant pour point de départ 2016, autre année d’un événement El Nino particulièrement marquant en mars 2023.

Les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées

Les données montrent par ailleurs clairement une tendance au réchauffement de la Terre. « Les huit années les plus chaudes ont toutes été enregistrées depuis 2015, les trois premières étant 2016, 2019 et 2020« , précisait déjà l’Organisation météorologique mondiale (OMMauprès de l’AFP en mars.

Le même constat avait été publié par l’organisation dans un rapport (archivé ici) disponible sur son site, et ces tendances, fondées sur des données de plusieurs centres de recherches internationaux, sont aussi observables sur le site de la NASA qui permet de visualiser l’évolution des températures mondiales par année.

« D’autres indicateurs du changement climatique – les concentrations de gaz à effet de serre, l’élévation du niveau de la mer, la chaleur des océans et l’acidification des océans – ont tous atteint des niveaux record au cours des neuf premiers mois de l’année 2022. Les glaciers reculent et les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient« , précisait en outre l’OMM.

Évolution de la température moyenne par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900) de 1850 à 2022, selon les données de Copernicus ( AFP / Sylvie HUSSON, Sophie RAMIS)

Après plusieurs semaines de surchauffe dans les mers et sur trois continents, le service européen Copernicus a annoncé ce mardi 8 août que juillet 2023 a largement battu le record du mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre, avec 0,33°C de plus que le mois qui détenait jusqu’à présent ce titre (juillet 2019).

Scientifiques comme organisations internationales (articles archivés ici et ) pointent le lien entre ces épisodes de canicule et le changement climatique et alertent sur leur intensification.

Claire-Line NASS

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