Contrairement à toutes les attentes et aux sondages précédant le vote, l’alliance de gauche Nouveau Front populaire (NFP) est arrivée en tête au deuxième tour, devant le bloc centriste Ensemble du président Emmanuel Macron et de son parti Renaissance, et relègue même le parti populiste d’extrême droite du Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen à la troisième place.
Ce résultat plonge le pays dans une incertitude politique sans précédent dans son histoire récente.
Ces législatives anticipées ont été convoquées par le président français Emmanuel Macron après la déroute de son camp aux européennes du mois dernier. Le RN, dirigé par Jordan Bardella, 28 ans, avait alors remporté le plus grand nombre de voix (31,37 %).
Avec 577 sièges à l’Assemblée nationale française, les dernières projections placent le NFP en première position avec 193 sièges. L’alliance Ensemble de Macron et le RN de Marine Le Pen avec ses alliés suivent avec respectivement 164 et 143 sièges.
Le NFP – formé le mois dernier seulement – réunit les socialistes, les Verts, les communistes et la France insoumise (LFI), auparavant profondément divisés, en une seule alliance. Aux élections européennes de début juin, ces partis s’étaient présentés séparément.
La composante du NFP arrivée en tête est le parti de gauche radicale LFI de Jean-Luc Mélenchon, une figure qui divise, qui suscite l’anathème à droite et au centre et qui s’est aussi aliéné de nombreux responsables de gauche. Les principales lignes du programme de l’alliance comprennent une forte augmentation du salaire minimum ainsi que l’abrogation de la réforme des retraites en France, ramenant l’âge de départ de 64 à 62 ans.
Mélenchon n’a pas tardé à exiger que le président Macron nomme un Premier ministre issu de l’alliance de gauche. Il a déclaré que le NFP « doit mettre en œuvre son programme et seulement son programme », et a refusé d’entamer des négociations avec la coalition du chef de l’Etat.
Les dirigeants de l’Union européenne « soulagés » après le vote français
Le résultat de dimanche a créé la surprise en France. Après le premier tour de scrutin du 30 juin, les prévisions voyaient le RN s’approcher – sans l’atteindre – de la majorité absolue de 289 sièges et donc éventuellement pouvoir former le prochain gouvernement – Bardella étant en passe de devenir le nouveau Premier ministre.
Malgré ce fort revers, le RN, porté par son positionnement anti-immigration, a obtenu dimanche au second tour un résultat historique (143 sièges, incluant ses alliés), bien au-dessus des 89 remportés en 2022. Cela représentait déjà un bond exceptionnel après les huit sièges obtenus en 2017. « La marée continue de monter (…) et notre victoire, en réalité, n’est que différée », a déclaré Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.
Les partenaires européens de la France sont soulagés du fait que le parti eurosceptique de Marine Le Pen n’arrive pas au pouvoir, car il aurait pu mettre en danger la future intégration européenne et le soutien occidental à l’Ukraine. Un gouvernement français composé de nationalistes de droite et d’eurosceptiques s’efforçant de limiter l’influence de l’UE en France semble avoir été évité.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a salué dimanche le « rejet de la droite radicale ». La France a opté pour « une gauche sociale qui s’attaque aux problèmes du peuple avec des politiques sérieuses et courageuses », a déclaré le dirigeant socialiste sur X.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk s’est également dit dimanche soir « heureux » du résultat. « À Paris l’enthousiasme, à Moscou la déception, à Kiev le soulagement », a déclaré l’ancien président du Conseil européen.
Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est déclaré « soulagé ». « Nous espérons que le président et les députés élus parviendront à former un gouvernement constructif », a-t-il ajouté.
Le système électoral français, la clé de la victoire de la gauche
Les élections de dimanche ont vu le NFP en tête en termes de sièges, mais c’est le RN avec ses alliés qui a obtenu, et de loin, le plus de voix avec environ 37 pour cent contre 26 pour cent pour la gauche. L’alliance libérale Ensemble de Macron arrive en troisième position avec environ 23 pour cent des voix.
Dans le système électoral français, le candidat qui obtient la majorité des suffrages dans chacune des 577 circonscriptions est élu à l’Assemblée nationale.
Les forces de gauche et du centre ont appelé au désistement mutuel avant le second tour. Dans plusieurs dizaines de circonscriptions où trois candidats restaient en lice, ceux du NFP ou du centre qui étaient arrivés en troisième position se sont retirés stratégiquement. De cette façon, le candidat restant avait plus de chances de battre le RN.
Le Premier ministre croate Andrej Plenković a déclaré que le RN était le « vainqueur relatif convaincant » car il a obtenu le plus de voix, mais sa victoire a été empêchée par le système électoral du pays. « Le message est resté et se verra très bientôt, dans un peu moins de trois ans, lors de l’élection présidentielle française », a-t-il ajouté.
Son homologue italienne Giorgia Meloni a également jugé que « si l’on regarde ce qui s’est passé en France, personne ne peut crier victoire ». Elle a ajouté qu’« aucun des trois ne s’est imposé (comme gagnant), aucun des trois n’est capable de gouverner seul ».
La France dans le vide politique
Après les élections, la deuxième économie de la zone euro entre dans une période de vide politique et d’instabilité à peine plus de deux semaines des Jeux olympiques de Paris.
Le paysage politique imprévu laissé par le second tour du scrutin anticipe une Assemblée nationale extrêmement divisée sans majorité claire. La France entre dans une phase de recherche de coalition très incertaine, d’autant plus que c’est une tradition totalement étrangère à la culture politique de ce pays.
Si aucun bloc ne parvient à trouver une majorité, le gouvernement sortant pourrait gérer les affaires courantes à titre intérimaire ou une équipe d’experts pourrait être nommée. Dans un tel scénario, la France se retrouverait dans une impasse politique. Une nouvelle dissolution de l’Assemblée par Macron et de nouvelles élections ne seront possibles qu’en juillet 2025.
A l’issue du scrutin, le Premier ministre Gabriel Attal a présenté sa démission. Le chef de l’Etat l’a refusée et lui a demandé de rester dans la perspective des Jeux Olympiques et pour rassurer la communauté internationale et les marchés sur le fait que la France a toujours un gouvernement.
Selon des sources à l’Elysée, Macron, actuellement à Washington pour participer au sommet de l’OTAN, prendrait son temps jusqu’à ce que les rapports de force au sein de l’Assemblée se clarifient pour décider du futur gouvernement à former.
Pour nommer un nouveau Premier ministre, le président pourrait attendre la fin des vacances parlementaires d’été. Cependant, l’Assemblée élue dimanche tiendra déjà sa première session le 18 juillet, au cours de laquelle son président sera élu. Le lendemain, les vice-présidents seront désignés les différentes commissions constituées.
Cet article est publié deux fois par semaine. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR.