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Début décembre, une majorité des ministres de la Santé de l’Union européenne ont exprimé leur soutien à l’extension des zones sans tabac dans le but de réduire les décès par cancer. La recommandation a été adoptée avec les voix de tous les pays, à l’exception de l’Allemagne et de la Grèce, qui se sont abstenues, soulignant certaines divergences politiques sur la question.
L’objectif des nouvelles directives est de restreindre le tabagisme dans les espaces publics où les enfants ou d’autres personnes vulnérables se rassemblent à l’extérieur, comme les terrains de jeux, les parcs d’attractions, les piscines, les terrasses de restaurants et les transports publics.
Les recommandations ciblent également les produits du tabac dits émergents, comme les cigarettes électroniques et les produits du tabac chauffés, afin de dissuader les jeunes de fumer. Réduire l’exposition à la fumée indirecte et aux aérosols assurerait une meilleure protection pour les non-fumeurs, indique un communiqué de presse de l’UE.
Une semaine auparavant, le Parlement européen a voté contre une résolution sur le même sujet, après que les députés de droite avaient adopté des amendements visant à différencier les produits du tabac traditionnels des appareils électroniques. La résolution n’aurait eu qu’une valeur symbolique.
La Commission européenne a proposé une révision des lignes directrices actuelles datant de 2009, alors que chaque année, environ 700 000 personnes à travers l’Union perdent la vie à cause de la consommation de tabac, a déclaré le nouveau commissaire européen à la Santé, Olivér Várhelyi, avant le vote. « Il s’agit du plus grand risque sanitaire évitable dans l’UE », a-t-il souligné.
On estime que le tabagisme tue plus de huit millions de personnes dans le monde chaque année, dont environ 1,3 million de non-fumeurs exposés à la fumée indirecte, selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon les chiffres de l’UE, un quart des décès par cancer dans l’Union, en Islande et en Norvège peuvent être attribués au tabagisme, ce qui en fait la principale cause de cette maladie. La politique de santé relève cependant de la compétence des États membres, ce qui signifie que les nouvelles recommandations ne sont pas contraignantes et que les gouvernements sont libres de les mettre en œuvre ou non.
Dans le cadre du plan « Vaincre le cancer », la Commission a décidé de créer d’ici 2040 une « génération sans tabac » dans laquelle moins de 5 % de la population en consommerait encore. En outre, l’UE a alloué des fonds importants pour aider les États membres à mettre en œuvre ces mesures.
Dans le cadre du programme EU4Health, une subvention de 16 millions d’euros a été accordée pour promouvoir les politiques antitabac, tandis que le programme Horizon a alloué 80 millions d’euros à la recherche sur la lutte antitabac et la prévention des dépendances.
Baisse du tabagisme mais succès croissant de la cigarette électronique
La consommation de tabac dans l’UE a diminué au cours des dernières décennies, mais le rythme varie selon les pays.
Selon une récente enquête Eurobaromètre sur l’attitude des Européens à l’égard du tabac et des produits dérivés, près d’un quart de la population de l’Union (24 %) fume – soit une baisse d’un point de pourcentage depuis 2020 – mais les proportions de fumeurs varient considérablement d’un pays à l’autre. La Bulgarie (37 %), la Grèce (36 %) et la Croatie (35 %) sont en tête, tandis que la Suède (8 %) et les Pays-Bas (11 %) arrivent en dernière position.
Malgré le succès croissant des cigarettes électroniques, consommées notamment par les jeunes de 15 à 39 ans, les cigarettes classiques restent les plus prisées. La consommation moyenne reste également la même par rapport aux chiffres de 2020, avec 14 cigarettes fumées par jour.
« Avec la commercialisation intensive des vapes comme alternative plus saine au tabagisme conventionnel, elles ont gagné en popularité parmi les personnes qui tentent d’arrêter de fumer », a déclaré Josef Hamoud du centre médical universitaire allemand de Goettingen, auteur principal d’une étude sur le double usage du vapotage et du tabagisme. « Il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons sur les effets à long terme du vapotage sur la santé », a-t-il expliqué.
Craignant que les jeunes ne se lancent massivement dans le vapotage, certains pays ont décidé d’interdire les cigarettes électroniques, ou du moins d’interdire les versions jetables ou les arômes adaptés aux enfants.
Aux Pays-Bas, début novembre, un tribunal a confirmé l’interdiction par le gouvernement des arômes sans tabac pour les cigarettes électroniques au motif qu’ils encouragent les jeunes à fumer. Le tribunal de La Haye a donné tort au géant British American Tobacco. L’interdiction des arômes est en vigueur depuis le 1er janvier 2024.
Compte tenu des décès massifs causés par le tabac, de nombreux chercheurs en médecine ont demandé que le vapotage reste légal comme outil pour arrêter de fumer, tout en encourageant tous les efforts pour empêcher les jeunes d’adopter l’une ou l’autre de ces habitudes.
De fortes différences au sein de l’UE
Les données de plus de 40 pays collectées par Smoke Free Partnership, une coalition européenne d’ONG antitabac, montrent qu’en 2022, la moitié des pays du continent avaient mis en place des mesures qualifiées de « bonnes » ou « très bonnes » pour protéger les populations contre la fumée indirecte, par l’interdiction de fumer dans des lieux spécifiques notamment.
Certains pays européens ont interdit de fumer à proximité des écoles, à l’extérieur des lieux de travail ou dans les stades, mais la Suède est le seul Etat européen à avoir totalement interdit de fumer sur les terrasses des restaurants et des bars.
En Suède, le nombre de fumeurs est faible, ce qui est principalement dû à la tradition suédoise du « snus » – un produit du tabac écrasé que l’on place sous la lèvre, considéré comme moins dangereux que de fumer car il ne fait que nuire à son consommateur. Selon les derniers chiffres, 22 % des hommes suédois et 10 % des femmes consomment quotidiennement du snus.
Depuis 2014, le snus sans tabac – avec nicotine ajoutée – est disponible et est devenu extrêmement populaire, en particulier parmi les jeunes, car il est souvent aromatisé avec toutes sortes de goûts, du citron à la réglisse. N’étant pas officiellement un produit du tabac, il n’est pas interdit par l’UE en tant que tel même si certaines interdictions nationales existent dans ce contexte. Les grandes sociétés internationales de tabac, qui possèdent de nombreux producteurs suédois, luttent dur pour que le produit ne soit pas déclaré illégal en dehors de la Suède.
Des taxations faibles = un nombre élevé de fumeurs ?
Les taxes sur les produits du tabac varient également selon les pays membres, ce qui influence directement leur prix et donc la consommation.
Par exemple, en Irlande et au Royaume-Uni, membre de l’UE jusqu’en 2020, les taxes sont très élevées, ce qui a contribué à une réduction significative du taux de tabagisme, tandis que dans d’autres pays, comme la Pologne, elles sont plus faibles et la consommation reste importante.
La Bulgarie se classe parmi les dix premiers pays du monde en termes de tabagisme et a le prix des cigarettes le plus bas de l’UE, a indiqué Dimitar Sabev, de l’Institut de la recherche économique de l’Académie bulgare des sciences, en présentant une récente étude réalisée en coopération avec l’Institut d’études économiques internationales de Vienne, pour le compte de la Smoke-Free Life Coalition de Bulgarie.
Le directeur de l’étude a ajouté que le prix des cigarettes devait être pris en compte. « Nos simulations ont montré que le tabagisme en Bulgarie en pourcentage de la population continuera d’augmenter si le modèle actuel de taxation des cigarettes est maintenu », a noté l’expert.
Selon Pavel Antonov, du réseau d’action civile BlueLink et président de l’association Smoke-Free Life Coalition de Bulgarie, le ministre des Finances par intérim « a inclus l’augmentation des droits d’accise dans le plan qu’il a proposé ».
La Slovénie suit déjà de nombreuses recommandations de l’UE concernant la réduction de l’exposition à la fumée indirecte et aux aérosols, a déclaré la ministre de la Santé, Valentina Prevolnik Rupel. Des règles plus strictes entreront en vigueur l’année prochaine, comme l’interdiction des cigarettes électroniques aromatisées et des produits du tabac chauffés ainsi que la fermeture des fumoirs dans les lieux publics et les lieux de travail clos d’ici fin 2025.
L’Institut national de santé publique estime qu’une augmentation substantielle du prix du tabac et des produits dérivés contribuerait également à réduire le tabagisme, car le coût est le facteur le plus important dans la décision d’arrêter, parallèlement aux soucis de santé.
En Croatie, une nouvelle loi est en cours d’adoption, qui ajoute les produits du tabac chauffés à l’interdiction existante de fumer dans les espaces clos. La nouvelle loi interdit également de fumer à l’extérieur à moins de 20 mètres de l’entrée d’un établissement de santé ou d’enseignement.
Jusqu’à présent, il n’est pas prévu d’étendre l’interdiction de fumer à d’autres espaces publics ouverts. Une telle mesure touchant les terrasses des cafés se heurterait probablement à une grande résistance, tant de la part des restaurateurs que de leurs clients. Prendre un café est l’une des coutumes sociales les plus appréciées et, pour de nombreux Croates, ce plaisir est impensable sans une cigarette. Malgré diverses campagnes antitabac et l’augmentation des taxes sur les produits du tabac, fumer reste une habitude populaire au sein de la population.
En Roumanie, où 34 % de la population fume en moyenne, il est interdit de le faire dans tous les espaces publics fermés, dans les transports publics et sur les terrains de jeux. La loi interdit aux étudiants de fumer, sous quelque forme que ce soit, dans les établissements d’enseignement, et prohibe la vente des produits pour fumer aux personnes de moins de 18 ans.
Selon l’étude « Youth Risk Behaviour Surveillance System (YRBSS) 2022 », 40 % des lycéens roumains ont déjà fumé au moins une cigarette.
Dans les pays candidats à l’adhésion
Depuis le 13 décembre, la Fédération de Bosnie-Herzégovine – l’une des deux entités du pays – met en œuvre une interdiction stricte de fumer dans les espaces publics fermés. À partir de janvier 2025, les prix des cigarettes et du tabac augmenteront en raison d’une hausse des droits d’accise, dans le cadre d’une stratégie visant à réduire la consommation de tabac. En revanche, dans l’autre entité, la Republika Srpska, il est permis de fumer dans la plupart des lieux, même si des modifications réglementaires sont parfois discutées.
L’Albanie a augmenté les droits d’accise sur le tabac en janvier 2023. Dans le but d’améliorer encore la protection de la santé, la Commission albanaise des affaires européennes a proposé cet été des modifications à une loi antitabac existante. Il s’agit de durcir les sanctions pour ceux qui vendent ou proposent du tabac aux moins de 18 ans ainsi que d’interdire la vente aux mineurs de cigarettes électroniques, chichas, narguilés et autres produits similaires.
Cet article est publié deux fois par semaine. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’ENR.