Après des années d’impasse, la guerre russe contre l’Ukraine a ravivé la volonté de l’UE d’accueillir d’autres voisins de l’Est. Le 15 décembre, les pays de l’UE se sont mis d’accord pour accorder à la Bosnie-Herzégovine (BiH) le statut de candidat à l’UE. Ce pays instable des Balkans entame ainsi un long chemin vers l’adhésion. Une recommandation en ce sens a été émise par les ministres des Affaires européennes des États de l’UE mardi à Bruxelles. La crainte que la Bosnie-Herzégovine se tourne sinon de plus en plus vers la Russie ou la Chine est probablement à l’origine de cette décision.
Après que l’Ukraine et la Moldavie ont obtenu le statut de candidats à l’UE en juin 2022, l’Autriche et la Slovénie, en particulier, ont fait pression pour que la Bosnie-Herzégovine l’obtienne en même temps. Cela n’a toutefois pas été le cas, ce qui a provoqué une grande déception en BiH. La perspective d’une adhésion à l’UE avait été évoquée dès 2003 et le pays a officiellement déposé sa candidature en 2016.
Le commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage, Olivér Várhelyi, a déclaré que l’attribution de ce statut était un message très clair adressé aux citoyens et citoyennes de BiH : l’UE est à leurs côtés. Il a ajouté que la BiH devait maintenant montrer qu’elle était prête à remplir les conditions déjà fixées : « L’Europe tient ses promesses, et maintenant, nous voulons voir la Bosnie-Herzégovine faire de même. » Les conditions évoquées par le commissaire Várhelyi sont les 14 réformes clés présentées à la Bosnie-Herzégovine par la Commission européenne en mai 2019. Elles concernent des réformes dans plusieurs domaines, dont la démocratie, l’État de droit et l’administration publique.
Pour les commentateurs politiques de BiH, l’UE aurait dû accorder le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine en même temps qu’à la plupart des autres pays des Balkans occidentaux. Cela aurait peut-être permis d’éviter de nombreux problèmes internes dans le pays. Le gouvernement de l’entité Republika Srpska entretient désormais d’étroites relations économiques et politiques avec Moscou. L’absence de perspective d’adhésion a favorisé l’influence russe.
Réactions de Bruxelles
Le Premier ministre letton Krišjānis Kariņš a déclaré avant le vote du sommet européen du 15 décembre : « L’Union européenne a un intérêt géopolitique dans les Balkans occidentaux. C’est pourquoi nous pouvons et devrions essayer d’accroître notre influence sur place. Je pense que cela serait bénéfique à la fois pour les Balkans occidentaux et pour l’Union européenne dans son ensemble. »
Le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a déclaré en marge du sommet de l’UE : « C’est une bonne occasion pour les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine de faire avancer les réformes. C’est le moment de s’engager réellement sur la voie européenne. Cette étape est très importante pour la Bosnie-Herzégovine et pour toute la région. »
La crise politique persistante en Bosnie-Herzégovine a empêché la mise en œuvre des réformes demandées. Les sondages d’opinion montrent cependant que l’adhésion à l’UE est l’un des rares objectifs partagés par tous les partis politiques et soutenus dans tout le pays. Tous les partis parlementaires de BiH ayant participé aux négociations de formation du gouvernement après les élections d’octobre s’engagent à poursuivre sur la voie européenne, même en sachant que personne ne peut dire combien de temps cela durera.
La Slovénie s’engage pour l’élargissement de l’UE
La Slovénie n’a cessé de souligner auprès de ses partenaires de l’UE pourquoi, compte tenu de la situation géopolitique, le statut de candidat devait être accordé à la Bosnie-Herzégovine. La décision d’accorder à la BiH le statut de candidat à l’UE a été qualifiée à Ljubljana de « grand succès de la politique étrangère slovène ». Ljubljana a aussi précisé que la Slovénie mettrait tout en œuvre pour intégrer le plus vite possible l’ensemble des Balkans occidentaux à l’UE.
À l’occasion de la décision du Conseil de l’UE, le 13 décembre, le Premier ministre Robert Golob a déclaré que la BiH attendait cette décision depuis vingt ans. Selon lui, il est nécessaire de développer au sein de l’UE la confiance envers la population de BiH.
Les hauts fonctionnaires slovènes ont placé leur soutien à la Bosnie-Herzégovine en tête de l’agenda de leurs efforts de politique étrangère, et les demandes slovènes ont été renforcées par les développements constatés en Bosnie-Herzégovine au début de l’année. Le président Borut Pahor a signalé à plusieurs reprises que le processus d’élargissement de l’UE était trop lent pour les pays des Balkans occidentaux et que la BiH devait obtenir immédiatement le statut de candidat.
D’autre part, le statut de candidat envoie un signal clair aux structures politiques de la BiH, qui disposent désormais d’un mandat complet pour lancer autant de réformes que possible. « Il y avait beaucoup de doutes de la part des États membres, y compris de la Commission européenne, mais je pense qu’au bout du compte, nous avons été en mesure de prouver, arguments à l’appui, que la Bosnie-Herzégovine avait fait des progrès significatifs durant cette période », a déclaré le secrétaire d’État slovène aux Affaires étrangères, Marko Štucin.
Faris Kočan, chercheur au Centre des relations internationales de l’École supérieure d’économie de Ljubljana, estime que la Slovénie a joué un rôle important dans cette décision. En effet, avec la Croatie et l’Autriche, elle est perçue comme un État de l’UE qui, en raison de sa propre expérience historique, représente une sorte de pont entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux. « Dans ce contexte, il était important que la Slovénie, avec ses partenaires (surtout l’Autriche, mais aussi la Croatie), place la BiH en tête de l’agenda de l’UE », a-t-il ajouté.
Cette rubrique paraît le vendredi. Le contenu est basé sur les informations des agences participant à l’enr.