Le 9 septembre, les ministres de l’Énergie de l’UE se sont à nouveau réunis en une session extraordinaire pour faire avancer les plans destinés à gérer la crise énergétique actuelle. La Commission européenne a présenté un document informel sur la manière de relever les défis du marché de l’énergie. « Nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle parce que la Russie n’est pas un fournisseur fiable et manipule nos marchés énergétiques », a averti la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, annonçant une série de mesures avant le Conseil de l’énergie. « Notre unité et notre solidarité nous permettront de nous imposer », a-t-elle ajouté.
Plafonnement des recettes pour les producteurs d’électricité non gaziers
Une série de mesures proposées par la Commission européenne vise à limiter les revenus des entreprises productrices d’électricité non gazières qui profitent de manière disproportionnée de la hausse des coûts de l’énergie. « Les sources d’énergie à faible émission de carbone réalisent actuellement des bénéfices exceptionnels qui sont loin de refléter leurs coûts de production, a déclaré la présidente de la Commission. Nous voulons rediriger ces bénéfices inattendus afin d’aider à s’adapter les ménages et les entreprises particulièrement touchés. » Grâce au prélèvement des recettes excédentaires, des fonds devraient être à la mise à disposition des pays de l’UE afin de « soutenir les ménages et les entreprises vulnérables », a ajouté von der Leyen.
Actuellement, le prix de l’électricité en Europe est avant tout déterminé par les centrales à gaz coûteuses qui, en raison de la forte demande, sont activées pour produire de l’électricité. À cause de la guerre en Ukraine, le prix du gaz a fortement augmenté et la situation sur le marché de l’énergie est tendue. Les entreprises énergétiques qui produisent de l’électricité moins chère – par exemple à partir de l’énergie éolienne, solaire ou nucléaire – font de gros bénéfices.
Selon un premier projet de loi dont l’agence allemande dpa a pris connaissance, le plafond des recettes pourrait être fixé à 200 euros par mégawatt-heure. Les États membres devraient mettre en place un mécanisme pour collecter les recettes dépassant ce plafond. Son montant peut toutefois encore changer d’ici à ce que le projet de loi définitif soit disponible.
Le 7 septembre, le prix du marché de gros de l’électricité en Allemagne était de 460 euros par mégawatt-heure. Un plafond de 200 euros serait une bonne nouvelle pour le secteur, a déclaré la banque Goldman Sachs dans un communiqué, étant donné que les plans d’exploitation de la plupart des fournisseurs d’énergie sont basés sur un prix de l’électricité d’environ 50 euros par heure.
Dans le projet de loi, la Commission européenne souligne que le plafond des recettes devrait tenir compte des coûts de production et permettre de nouveaux investissements.
Von der Leyen a également proposé une « contribution de solidarité » pour les entreprises du secteur des énergies fossiles. « Les entreprises pétrolières et gazières aussi ont réalisé des bénéfices massifs », a-t-elle déclaré, ajoutant : « Toutes les sources d’énergie doivent contribuer à la sortie de crise. » Les recettes de cette contribution, prélevée au niveau national, devraient servir à financer une baisse des factures d’énergie des ménages et des entreprises vulnérables et à soutenir une transition plus rapide vers les énergies vertes.
Économiser l’électricité intelligemment
Von der Leyen a également proposé un objectif contraignant de réduction de la consommation de courant en période de forte demande afin de lisser la courbe des fluctuations du prix de l’électricité. Selon l’ébauche dont l’agence allemande dpa a pris connaissance, cet objectif pourrait être fixé à 5 pourcent. La présidente de la Commission a aussi souligné la nécessité de soutenir les entreprises d’approvisionnement en énergie, qui doivent actuellement faire face à l’énorme volatilité des marchés et ont par conséquent des problèmes de liquidités.
Réduction des prix du gaz
Parmi les mesures proposées par la Commission européenne pour réduire les coûts du gaz figure un plafonnement du prix du gaz russe. « Nous devons réduire les revenus de la Russie avec lesquels Poutine finance sa cruelle guerre en Ukraine. Notre travail de ces derniers mois porte à présent ses fruits. En effet, au début de la guerre, 40 pourcent du gaz importé étaient russes, et ce depuis longtemps. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’à 9 pourcent. »
Certains États membres de l’UE, dont l’Italie et la Pologne, souhaiteraient introduire un prix plafond pour toutes les importations de gaz dans l’UE, pas seulement pour le gaz russe. Selon des sources diplomatiques, la Commission européenne veut analyser cette proposition. De leur côté, les Pays-Bas ont exprimé leur scepticisme non seulement envers le plafonnement des prix du gaz, mais aussi envers toute mesure visant à intervenir sur les marchés, à commencer par le point virtuel d’échange commercial de gaz naturel, ou TTF, aux Pays-Bas.
Entre-temps, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que tout pays qui introduirait un prix plafond ne recevrait aucune livraison d’énergie russe : « Nous ne livrerons rien du tout si cela est contraire à nos intérêts (…). Nous ne livrerons ni gaz, ni pétrole, ni charbon. » Le 2 septembre, le géant russe de l’énergie Gazprom a annoncé la fermeture complète de l’important gazoduc Nord Stream 1 qui relie la Russie à l’Allemagne, renforçant ainsi la crainte de mois difficiles pour les ménages européens. Le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA), basé en Finlande, estime que depuis le début de la guerre en Ukraine, l’UE est le principal importateur de combustibles fossiles en provenance de Russie, pour une valeur de 85 milliards d’euros. Cependant, l’UE a considérablement réduit ses importations de combustibles fossiles en provenance de Russie au cours des six derniers mois, notent les chercheurs.
Perspectives nationales
Slovénie : suffisamment approvisionnée en électricité, dépendante des importations de gaz
La Slovénie est l’un des partisans d’une approche européenne coordonnée de la régulation des prix de l’électricité et d’une réforme structurelle du marché face à la hausse des prix de l’énergie et aux achats spéculatifs. Le pays a un taux d’autosuffisance en électricité d’environ 75 pourcents. C’est le taux le plus bas depuis dix ans, une baisse causée par la sécheresse. De plus, la Slovénie est entièrement dépendante des importations de gaz, jusqu’ici principalement en provenance de Russie.
En prévision d’un scénario catastrophe, le gouvernement slovène a déjà pris une série de mesures pour limiter les prix élevés et assurer un approvisionnement énergétique sans faille de la population et de certaines entreprises. Des amendements à la loi sur l’approvisionnement en gaz visant à protéger davantage les consommateurs de gaz des risques accrus touchant l’approvisionnement, un projet de loi sur les garanties pour les principales entreprises publiques d’énergie et une loi d’urgence sur les mesures de gestion des crises d’approvisionnement en énergie seront examinés la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Cette loi donne au gouvernement le pouvoir d’ordonner directement aux entreprises publiques de prendre des mesures de sécurité énergétique afin de garantir un approvisionnement fiable en cas d’interruption d’urgence de ce ravitaillement. Les représentants des entreprises slovènes font pression pour que le gouvernement fixe un plafond aux prix des produits énergétiques pour les entreprises.
Selon les principales associations d’entreprises de Slovénie, un accord sur une telle solution doit être trouvé le plus rapidement possible au niveau de l’UE. Les entreprises slovènes, qui ressentent déjà les premiers signes de ralentissement, craignent des réductions de production, voire des fermetures et une vague de licenciements si aucune solution n’est trouvée. Le gouvernement est déterminé à soutenir l’économie par des mesures supplémentaires qui devraient être adoptées en octobre. Le Premier ministre Robert Golob estime qu’elles pourraient représenter 1,5 milliard d’euros.
Le gazoduc MidCat : l’Espagne y est favorable, la France dit non
Pendant ce temps, l’Espagne et l’Allemagne tentent de trouver des solutions alternatives. Toutes deux sont favorables à la construction du gazoduc MidCat, qui relierait l’Espagne et la France. Toutefois, le 6 septembre, la Commission européenne a évité de soutenir ouvertement la construction du gazoduc. Le président français Emmanuel Macron a insisté pour rejeter le projet – le gazoduc traverserait les Pyrénées et relierait plus étroitement la péninsule ibérique au reste du continent.
Macron a dit ne pas comprendre « le problème à court terme [qu’on] essaie de résoudre avec la construction du MidCat », arguant que les deux autres gazoducs qui relient actuellement les deux pays à travers le Pays basque et la Navarre sont « sous-utilisés », puisqu’ils ne sont utilisés qu’à 53 pourcents depuis février.
Le porte-parole pour l’énergie de la Commission européenne a signalé que MidCat ne figurait pas sur la liste des projets d’intérêt commun (PCI) de l’UE. En effet, les autorités françaises et espagnoles ont décidé de geler le projet dans l’attente d’une « nouvelle évaluation » après avoir constaté qu’il n’était pas « mûr ». Il a également souligné qu’en vertu de la nouvelle législation récemment adoptée en matière d’infrastructures énergétiques, les projets basés sur des combustibles fossiles comme le gaz ne peuvent pas être financés par des fonds européens.
Pour un projet potentiel relançant l’idée de MidCat et le transport de gaz en rapport, cela exclurait la possibilité de recevoir des fonds européens. De manière générale, le porte-parole pour l’énergie de la Commission européenne a souligné que tout nouvel investissement reliant les terminaux de gaz naturel liquéfié de la péninsule ibérique au réseau gazier européen via une infrastructure « compatible avec l’hydrogène » « contribuerait à diversifier davantage l’approvisionnement en gaz sur le marché intérieur ». En outre, il soutiendrait « le futur potentiel d’hydrogène vert » de l’Espagne, du Portugal et de l’Afrique du Nord. Il a toutefois réaffirmé que le projet souhaité par l’Espagne « n’est pas encore suffisamment avancé pour que [la Commission européenne] puisse juger s’il peut être financé ».
La Bosnie-Herzégovine entièrement dépendante du gaz russe
La Bosnie-Herzégovine ne dispose d’aucune réserve de gaz et est entièrement dépendante des livraisons de gaz russe. Seule une branche du gazoduc « TurkStream », qui part de Russie, traverse la mer Noire, passe par la Turquie et aboutit en Bosnie-Herzégovine, alimente en gaz naturel les villes de Sarajevo et Zenica ainsi que leurs environs.
Des efforts sont faits pour étendre le réseau de gazoducs à d’autres parties du pays mais les opérations avancent trop lentement. Jusqu’à présent, la Bosnie-Herzégovine n’a pas été inscrite par la Russie sur sa liste des « pays hostiles ». Une diversification de l’approvisionnement est prévue avec la construction du gazoduc « Southern Interconnection », qui relierait la Bosnie-Herzégovine à la Croatie. Le projet est toutefois encore en phase d’approbation.
D’autre part, grâce à ses centrales thermiques et hydroélectriques, la Bosnie-Herzégovine produit suffisamment d’électricité pour ses propres besoins et exporte une partie de l’électricité produite. C’est précisément grâce aux exportations que les entreprises d’électricité parviennent à approvisionner le marché national à des prix avantageux. Les autorités ont annoncé que le prix de l’électricité pour les ménages n’augmenterait pas d’ici la fin de l’année.
Cet article est publié le vendredi. Le contenu est basé sur les informations des agences membres de l’enr.