En réformant le marché européen de l’électricité, les eurodéputés veulent mieux protéger les consommateurs des fluctuations de prix. Selon la position de négociation adoptée jeudi par le Parlement européen à Strasbourg, les citoyens devraient avoir droit à la fois à des contrats à prix fixes et à des contrats à prix dynamiques. En outre, les consommateurs devraient disposer de davantage d’informations sur les options qui s’offrent à eux.
La position du Parlement se base sur une proposition législative formulée en mars par la Commission européenne. Cependant, à la mi-juillet, la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement européen a modifié cette proposition en limitant plus fortement les subventions à l’industrie nucléaire, afin de préparer des discussions avec les États membres pour finaliser le texte. Certains députés européens se sont explicitement opposés à la proposition de la commission de l’industrie et ont obtenu un vote formel. Le mandat de la commission a été adopté jeudi par l’ensemble des députés, sans possibilité d’amendement (366 voix pour, 186 contre, 18 abstentions).
Les meneurs de cette protestation, des membres français du Parti populaire européen (PPE) et des libéraux de Renew, ont déclaré que la proposition restreignait trop l’accès des centrales nucléaires aux mécanismes de prix garantis par l’État et mettait en péril la « révision générale » des centrales nucléaires françaises. Les députés slovènes, roumains et tchèques de Renew se sont associés aux Conservateurs et réformistes européens (CRE) et à la gauche radicale. Ils n’ont pas pu empêcher l’adoption du texte, qui est resté inchangé.
En réformant le marché de l’électricité, la Commission européenne veut éviter une explosion des prix pour les consommateurs et encourager le développement des énergies renouvelables. Selon la proposition, il s’agit surtout d’encourager les contrats à long terme de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et du nucléaire.
Aucune position commune des pays de l’UE n’a encore été établie. Selon certains diplomates de l’UE, des craintes ont souvent été exprimées à l’idée que l’industrie nucléaire française soit favorisée de manière disproportionnée. Jusqu’à présent, l’Allemagne et la France sont en désaccord.
Le débat du Conseil sur l’énergie nucléaire se poursuit
La réforme du marché de l’électricité est au point mort au Conseil parce que la France demande que les subventions pour le développement des contrats de différence public-privé (CfD) soient aussi applicables aux activités nucléaires existantes. Dans le cadre de ces contrats, l’État convient avec un producteur d’un prix fixe pour l’achat et la vente d’électricité sur une période donnée et rembourse ensuite la différence, selon que le prix réel se révèle plus élevé ou plus bas que le prix fixe. L’Allemagne, l’Autriche, le Luxembourg et l’Italie refusent l’extension de ces contrats à l’électricité d’origine nucléaire.
L’Autriche et le Luxembourg y sont opposés à cause de leur aversion historique pour l’énergie nucléaire, l’Allemagne et l’Italie en raison de la spécificité du mix électrique français, composé à presque 80 % d’énergie nucléaire. Une telle mesure favoriserait les entreprises françaises par rapport à celles du reste du continent car elle entraînerait, en cas de crise, un subventionnement automatique par l’État des producteurs d’énergie nationaux, protégeant ainsi durablement les entreprises françaises des fluctuations de prix.
La Slovénie, comme d’autres membres de l’UE qui se sont rangés aux côtés de la France, n’acceptera pas de « déprivilégier l’énergie nucléaire, essentielle à la décarbonisation et à la transition verte », a déclaré Bojan Kumer, le ministre slovène de l’Environnement, du Climat et de l’Énergie. Cela ferait par ailleurs grimper les prix, a-t-il ajouté.
Kumer a salué les efforts de la présidence espagnole pour rapprocher les positions sur la réforme du marché de l’électricité. Il a souligné que l’essentiel était de trouver un dénominateur commun, et que les deux blocs allemand et français devaient y travailler. Quant à l’utilisation des CfD, la Slovénie est favorable à une flexibilité maximale. « Nous voulons que cela profite au consommateur normal, pas seulement aux entreprises et à l’industrie », a déclaré Kumer, qui a également plaidé pour un contrôle efficace au niveau européen de la redistribution des revenus et des subventions.
Nous voulons que cela profite au consommateur normal, pas seulement aux entreprises et à l’industrie.
Bojan Kumer, ministre slovène de l’Environnement, du Climat et de l’Énergie
La semaine dernière, la présidence espagnole de l’UE a présenté sa première proposition officielle en vue de préparer les négociations sur la réforme du marché européen de l’électricité. Le projet contient des concessions faites à la France tout en introduisant des contrôles pour éviter les distorsions de marché, qui préoccupent particulièrement l’Allemagne.
La nouvelle proposition de la présidence espagnole se concentre sur les aspects où des désaccords subsistent et tente notamment de clarifier les positions de Paris et de Berlin sur les CfD.
La troisième vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera, a déclaré la semaine dernière à la presse, à Bruxelles, qu’elle avait bon espoir que les États membres parviennent à un accord « d’ici quelques semaines ». Les négociations finales avec le Parlement européen pourraient alors commencer.
Le client est-il roi ?
La proposition de la présidence espagnole définit les caractéristiques de conception des outils qui garantissent la viabilité économique pendant la durée de vie des centrales nucléaires. Des voix se sont également élevées pour demander que les revenus des contrats de différence soient redistribués aux clients finaux.
En outre, ces contrats de différence doivent être conçus de manière à exclure toute sous-compensation ou surcompensation, à fixer les montants de la rémunération dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres transparente et non discriminatoire, et à éviter toute distorsion de la concurrence et des échanges sur le marché intérieur par la répartition des recettes entre les entreprises.
Par ailleurs, un système de rémunération des consommateurs, et notamment des entreprises, serait mis en place. Il permettrait aux clients de recevoir les fonds sur la base de leur consommation totale, sans modifier les incitations à réduire la consommation ni nuire à la concurrence entre fournisseurs. Le système serait contrôlé par la Commission européenne, qui pourrait imposer des limites aux entreprises en matière de redistribution des revenus.
Les nouveaux investissements seraient consacrés à de nouvelles installations de production d’électricité ou à des investissements visant à prolonger sensiblement leur durée de vie.
Davantage d’énergies renouvelables
Les projets de définition de la présidence espagnole sur la rentabilité économique des installations et la répartition des recettes entre les consommateurs après adaptation du CfD ne concernent pas uniquement l’énergie nucléaire. Ils s’adressent aussi aux énergies éolienne, solaire, géothermique et hydraulique hors barrages. Les États membres peuvent toutefois accorder des dérogations aux petites installations d’énergie renouvelable.
Le Parlement européen s’est prononcé mardi en faveur d’une augmentation significative de la production d’énergie à partir de sources renouvelables, demandant que la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité de l’Union européenne atteigne au moins 42,5 % d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, de nombreux pays européens devraient augmenter drastiquement leur production d’énergie renouvelable. En Allemagne, par exemple, la part des énergies renouvelables était de 20,4 % en 2022, selon les données du gouvernement fédéral.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également annoncé mercredi à Strasbourg une série de mesures visant à promouvoir l’énergie éolienne, tout en soulignant la nécessité d’accélérer l’octroi des autorisations.
Avant que la réforme du marché de l’électricité puisse entrer en vigueur, les pays de l’UE doivent encore trouver un accord avec le Parlement européen.
L’objectif est de parvenir à un accord avec le Parlement européen sur la version finale de la réforme avant la fin de l’année ou début 2024. À partir de là, le cœur du pouvoir de l’UE entrera dans une phase préélectorale en vue des élections au Parlement européen de juin 2024.
Cet article est publié hebdomadaire. Le contenu est basé sur des nouvelles des agences participantes au sein de la enr.