Le parti pro-européen au pouvoir en Moldavie a conservé sa majorité parlementaire lors des élections de dimanche, repoussant les partis d’opposition pro-russes.
Ce résultat a été salué par les dirigeants de l’UE comme une défaite de la Russie et une victoire pour les ambitions d’élargissement du bloc.
La Moldavie ne compte peut-être que 2,4 millions d’habitants, mais le vote pour élire les 101 membres de son parlement était scruté avec attention dans toute l’Europe. Bruxelles était consciente que non seulement l’avenir de ce petit pays niché entre l’Ukraine et la Roumanie était en jeu, mais aussi un élément crucial de sa sécurité sur son flanc oriental.
Le jour du scrutin a été marqué par de fausses alertes à la bombe, des cyberattaques attribuées à Moscou, des mouvements d’électeurs inhabituels et même un post pro-Kremlin du PDG de Telegram, Pavel Dourov, relayé plus tard par Elon Musk.
Le taux de participation final de 52,21 % a été le plus élevé jamais enregistré. Le Parti d’action et de solidarité (PAS), pro-UE, dirigé par la cheffe de l’Etat Maia Sandu, a recueilli 50,2 % des voix.
Selon les résultats publiés par la Commission électorale centrale, le Bloc patriotique pro-russe en a recueilli 24,1 7%.
Les dirigeants européens réagissent avec enthousiasme (et soulagement)
« L’avenir de la Moldavie est en Europe ! », a écrit la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, sur X.
« Grâce à cette avancée historique, le peuple moldave a choisi la voie de la démocratie, de l’espoir et des opportunités de l’avenir. Il a choisi l’Europe », a-t-elle ajouté.
« Moldavie, vous avez récidivé », s’est félicitée la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’année dernière, Sandu avait battu de justesse le candidat pro-russe à la présidentielle.
« Aucune tentative de semer la peur ou la division ne saurait ébranler votre détermination. Vous avez clairement exprimé votre choix : l’Europe. La démocratie. La liberté », a ajouté Ursula von der Leyen.
« Notre porte est ouverte. Et nous vous accompagnerons à chaque étape. L’avenir vous appartient. »
Le PAS s’est engagé à garantir l’adhésion de la Moldavie à l’UE d’ici 2030.
« Malgré les efforts acharnés de la Russie pour diffuser de la désinformation et acheter des votes, aucune force ne peut arrêter un peuple attaché à la liberté », a écrit Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie de l’UE.
La présidente Sandu avait accusé le Kremlin d’ingérence massive, et notamment d’avoir payé « des centaines de personnes » pour déstabiliser le pays avant le vote de dimanche.
Moscou a nié ces allégations.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a salué la réaction de la Moldavie et le résultat des élections. « Non seulement vous avez sauvé la démocratie et maintenu le cap européen, mais vous avez également stoppé la Russie dans ses tentatives de prise de contrôle de toute la région. Une bonne leçon pour nous tous », a-t-il écrit sur X lundi.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est également félicité du résultat, le qualifiant de victoire pour le continent.
« La Russie n’a pas réussi à déstabiliser la Moldavie, même après avoir dépensé des ressources considérables pour la saper et corrompre tous ceux qu’elle pouvait », a déclaré le dirigeant du pays voisin en guerre.
La Roumanie, autre voisin de la Moldavie, s’est aussi réjouie du résultat et du fait que le pays ait voté en faveur de l’Europe. Le Premier ministre Ilie Bolojan a déclaré que la Moldavie avait sa place « dans la grande famille européenne ».
« En mon nom personnel et au nom du gouvernement roumain, nous soutiendrons la République de Moldavie sur cette voie. Félicitations à la République de Moldavie ! », a-t-il ajouté.
Le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, a exprimé la même satisfaction. « Nous œuvrons pour que la volonté souveraine du peuple moldave, exprimée dans les urnes, se concrétise dans son intégration européenne », a-t-il dit.
Et ensuite ?
Certains analystes appellent néanmoins à la prudence.
« Statistiquement parlant, le PAS s’est assuré une majorité fragile », a déclaré dimanche Andrei Curararu, du groupe de réflexion WatchDog.md, basé à Chișinău, alors que le parti passait en tête lors du dépouillement.
Il a toutefois averti que le « danger » n’était pas écarté, « car il est difficile de former un gouvernement fonctionnel ».
« Le Kremlin a financé une opération trop importante pour renoncer et pourrait recourir à des manifestations, à la corruption de députés du PAS et à d’autres tactiques pour perturber la formation d’un gouvernement pro-européen stable », a-t-il ajouté.
Dr Teona Lavrelashvili, chercheure associée au Wilfried Martens Centre for European Studies, estime que le résultat des élections « est une réalisation rare dans la politique moldave et montre que les électeurs sont prêts à soutenir une voie orientée vers les réformes. »
« En même temps, l’ampleur des réformes nécessaires en matière d’État de droit, d’administration, d’agriculture et de lutte contre la corruption reste impressionnante, et des retards pourraient facilement ralentir les progrès », prévient-elle.
Néanmoins, elle considère que l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne d’ici la fin de la décennie « semble plus réalisable que jamais » si l’élan est maintenu.
En plus des difficultés liées aux réformes, d’autres obstacles pourraient survenir. Les candidatures de la Moldavie et de l’Ukraine sont jumelées. Cela signifie que les deux pays sont traités comme un seul dans les négociations. Le statut de candidat à l’Union leur a été accordé en 2022.
Cependant, les États membres disposent d’un droit de veto et la Hongrie bloque l’avancement de la candidature de l’Ukraine.
Le Danemark a maintenu l’approche antérieure de l’UE en matière d’élargissement et considère l’Ukraine et la Moldavie font partie de la même région.
La ministre danoise des Affaires européennes, Marie Bjerre, n’a pas l’intention de rompre avec cette conception, même si Budapest a bloqué l’ouverture des négociations avec Kiev. Elle l’a clairement indiqué lors d’une réunion ministérielle à Copenhague début septembre.
« Les deux pays ont obtenu le statut de candidat simultanément, et nous avons entamé les négociations simultanément. Il serait injuste envers les Ukrainiens de les laisser seuls alors que ces pays sont au même stade et ont mené les mêmes réformes », a dit Marie Bjerre.
L’eurodéputé roumain et vice-président du Parlement européen Victor Negrescu voit les choses différemment. Pour lui, cette victoire constitue un signal fort pour l’adhésion à l’Union européenne et le Conseil doit immédiatement approuver l’ouverture des négociations sur les différents chapitres.
« En tant que vice-président du Parlement européen chargé des relations avec la République de Moldavie, j’assure le PE européen de mon soutien total (à l’adhésion). L’Europe et la Roumanie sont en train de gagner, et la République de Moldavie progresse vers un avenir commun avec l’UE. D’ici fin 2028, les négociations d’adhésion avec l’Union européenne pourront être conclues », a affirmé Victor Negrescu.
Le scrutin en Moldavie suscite aussi l’espoir, car il montre que la désinformation russe peut être contrée. Markéta Pekarová Adamová, présidente de la chambre basse du parlement tchèque, voit dans ce résultat une victoire pour la liberté, la démocratie et la voie européenne. « Le monde de Vladimir Poutine a clairement perdu. Je félicite chaleureusement la présidene Sandu. Nous soutenons la Moldavie sur son chemin vers l’UE ! J’espère que ce sera aussi une inspiration pour nous, et que le Kremin subira une autre défaite ce week-end », a-t-elle écrit sur la plateforme X.
En République tchèque, des élections législatives se tiendront les 3 et 4 octobre, et le parti populiste de droite ANO est en tête des sondages.
Pour Teona Lavrelashvili, d’autres pays peuvent tirer des leçons du vote moldave. « La politique basée sur des principes est plus résistante aux ingérences étrangères que les raccourcis populistes. »
Selon elle, la Moldavie a montré l’importance de la communication stratégique en créant des contre-récits et en anticipant la désinformation Elle a également perturbé l’achat de votes, agi contre les réseaux de financement illicite russe et renforcé la responsabilité grâce à des règles plus strictes sur le financement des campagnes.
Et de conclure : « Je pense que cela a montré que l’application des lois, lorsqu’elle est cohérente, peut affaiblir la capacité des acteurs étrangers à perturber le processus électoral. »
Cet article est une Key Story de l’ENR. Le contenu est basé sur des informations publiées par des agences participant à l’ENR.
