« Dans un monde instable, les partenariats avec des alliés de confiance à travers le monde, respectant des règles clairement établies et permettant des bénéfices mutuels, sont plus que jamais importants », insistait récemment un porte-parole de l’UE.
C’est le mot d’ordre qui anime l’exécutif européen et les Etats membres depuis le lancement de l’offensive douanière de Donald Trump, qui a frappé à trois reprises les produits européens.
Si le locataire de la Maison Blanche a annoncé le 9 avril une pause de 90 jours sur certains de ces droits, le Vieux continent sait qu’il n’a d’autre choix, face à cet allié imprévisible, que de proposer son immense marché intérieur de 450 millions de consommateurs à d’autres partenaires.
Dès l’élection du républicain en novembre, l’UE a commencé à se tourner vers de nouveaux marchés mais la spectaculaire surenchère protectionniste américaine des dernières semaines a intensifié ses efforts.
Les 27 se sont ainsi mis d’accord pour renforcer leurs relations commerciales avec le Mexique quelques jours avant que Donald Trump ne soit investi et ont ensuite rouvert les négociations avec la Malaisie le jour de son entrée en fonctions le 20 janvier.
Et en février et mars, des responsables de l’UE ont poursuivi leur opération séduction en rencontrant des dirigeants indiens et sud-africains, pour discuter notamment de commerce, tout en se rapprochant du Canada.
Plus tôt, ce mois-ci, l’UE a également lancé des discussions en vue d’un accord avec les Emirats Arabes Unis.
Lors d’une récente réunion au Luxembourg avec ses homologues européens en charge du commerce, le ministre espagnol de l’Economie, Carlos Cuerpo, a souligné que la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis devait « encourager » les 27 à diversifier leurs relations commerciales.
Le Premier ministre tchèque Petr Fiala a lui aussi insisté sur la nécessité de chercher des marchés alternatifs, en mentionnant en particulier le traité de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur (Brésil, Bolivie, Argentine, Paraguay et Uruguay) ou la perspective d’accords avec l’Inde ou des pays d’Asie du Sud-Est.
« Nous voulons que l’UE abatte des murs lorsque d’autres en érigent », a confié en mars le ministre suédois du commerce, Benjamin Dousa, à l’agence TT.
Quid d’un rapprochement avec la Chine ?
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez voit lui aussi des débouchés en Asie, et en particulier en Chine, où il s’est rendu le 11 avril pour y plaider en faveur d’un « renforcement et d’un rééquilibrage des relations économiques et commerciales » entre la Chine et l’Espagne.
« Nous voulons apporter notre contribution à une relation positive entre les Etats-Unis et l’UE mais une relation solide entre la Chine et l’UE et entre la Chine et l’Espagne est nécessaire », a-t-il insisté. Le déficit commercial de l’UE à l’égard de la Chine s’est élevé à 304,5 milliards d’euros en 2024.
Durant cette visite, le président chinois Xi Jinping a souligné pour sa part qu’il n’y avait “pas de vainqueurs dans une guerre commerciale et qu’aller à l’encontre du reste du monde ne menait qu’à l’isolement ».
A Bruxelles, des sources européennes ont dit à l’agence ANSA avoir noté un léger changement dans l’attitude de Pékin. Des canaux de discussions ont en effet été rouverts en vue d’améliorer les relations commerciales avec le géant asiatique et un sommet UE-Chine a été annoncé pour le mois de juillet.
Face à l’absence d’une concurrence juste entre entreprises européennes et chinoises et face au risque de voir les produits chinois ne pouvant entrer aux Etats-Unis inonder le marché européen, Bruxelles affiche toutefois sa prudence et doute que Pékin puisse devenir un véritable partenaire fiable dans un avenir proche.
L’Inde en ligne de mire
La Belgique voit aussi des opportunités dans le contexte commercial actuel. Comme la Commission européenne et d’autres Etats membres, elle considère l’Inde comme un marché porteur. Début mars, la princesse Astrid a ainsi pris la tête d’une importante délégation commerciale belge à Delhi et Bombay, faisant la part belle à l’industrie pharmaceutique, à la défense, aux diamants ou à l’aérospatiale et aux énergies renouvelables.
« Il me semble que le moment est parfait pour que l’Europe conclue des accords de libre-échange avec de nouveaux partenaires à travers le monde qui se tournent plus que jamais vers nous”, a dit récemment le Premier ministre belge Bart De Wever.
Signe de la volonté de son pays de renforcer ses liens commerciaux avec l’Asie, le président singapourien a effectué une visite d’Etat en Belgique en mars.
Même volonté en Allemagne, où le futur chancelier Friedrich Merz a appelé en avril à sceller de nouvelles alliances. « L’équilibre du monde se déplace et nous, les Européens, avons besoin très rapidement » de nouveaux partenaires commerciaux, a-t-il dit.
Pression pour ratifier l’accord avec le Mercosur
Parallèlement, l’UE espère que l’offensive douanière de Trump va pousser les Etats membres à ratifier l’accord avec les pays du Mercosur, un processus que Bruxelles voudrait finaliser d’ici la fin de l’année.
Les négociations entre l’UE et ces pays latino-américains ont été conclues en décembre après 25 ans de discussions mais l’accord doit maintenant recevoir l’aval du Parlement européen et d’au moins 15 des 27 Etats membres, représentant au minimum 65% de la population.
Ce qui est extrêmement incertain. Le traité de libre-échange avec le Mercosur est en effet très critiqué par les organisations écologistes et les agriculteurs, notamment français, qui craignent l’arrivée de produits moins chers et ne respectant pas les mêmes règlementations environnementales.
Plusieurs pays européens ont exprimé leur opposition à ce traité comme la France, la Pologne et l’Autriche. Mais la Commission, qui a indiqué « dialoguer » avec les pays réticents, espère que les tensions commerciales avec les Etats-Unis pourront faire bouger les lignes.
Les petits pays européens veulent plus de libre-échange
D’autres pays européens, plus petits, craignent eux l’impact de l’offensive douanière de Trump sur l’économie de leurs grands voisins, comme l’Allemagne, dont ils dépendent pour leurs échanges.
La Slovénie, par exemple, dépend beaucoup plus des marchés européens pour ses exportations que des Etats-Unis qui ne sont que son 12e partenaire commercial. Les entreprises de ce petit pays cherchent donc des opportunités au Moyen-Orient ou en Asie. Déjà, en 2024, la valeur des exportations slovènes dans les pays non-européens a bondi de 25% et celle des importations de 47%, selon l’office national des statistiques.
Zdenko Lucić, secrétaire d’Etat au ministère croate des Affaires étrangères, souligne de son côté que les Etats-Unis ne représentent qu’environ 2% des échanges de son pays. « Nous avons vécu des crises plus graves comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine et notre économie s’est redressée relativement rapidement », assure-t-il.
En Bulgarie également, les Etats-Unis représentent environ 2,5% des exportations et 1,2% des importations, selon le ministère de l’Economie et de l’Industrie.
Le gouvernement de Macédoine du Nord estime par ailleurs que le contexte actuel pourrait être propice à une amélioration des relations commerciales avec les Etats-Unis. Les droits de douane américains ne doivent pas susciter la panique, a dit la ministre des Finances du pays, Gordana Dimitrieska-Kochoska, à l’agence MIA.
“Nous devons le voir comme une opportunité pour l’économie macédonienne, vu que le gouvernement a établi une bonne communication avec Washington, ce qui est très important. Même si nos échanges avec les Etats-Unis sont inférieurs à 1%, ils peuvent toujours être considérés comme un avantage dans la période à venir », a-t-elle dit.
En Bosnie-Herzégovine, les Etats-Unis sont un partenaire mineur par rapport à l’UE qui représente plus de 70% de ses exportations et 66% de ses importations. Mais la politique commerciale de Trump a affecté son secteur de la défense, amenant le pays à considérer une levée de ses propres droits de douane et un potentiel accord de libre-échange.
En Irlande, les droits de douane américains pourraient aussi avoir un impact négatif important alors qu’en 2024, les exportations irlandaises aux Etats-Unis ont pesé 72 milliards d’euros. Une grande partie de ces exportations proviennent de l’industrie pharmaceutique, un secteur jusqu’ici tenu à l’écart des droits de douane de Donald Trump, qui a toutefois annoncé son intention de revenir sur cette exemption.